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Fortunée Cohen-Colin…

(témoignage de Fortunée Metz - devant les classes de CM2, en Mars 2006
Exposition sur les Maisons d'enfants cachés durant la guerre de 1939-1945
Musée de la Résistance et de la Déportation - Lyon)

Fortunée (en bas) à la Maison d'enfants de Sèvres.

Née en 1932, j'avais encore 6 ans lorsque la guerre a éclaté en Septembre 1939.

Parceque j'étais née juive, on m'a cachée dans de nombreuses maisons d'enfants, sous une fausse identité. Je ne devais jamais dévoiler mon vrai nom, on m'appelait Fortunée Colin. J'ai donc menti durant toute la guerre; je devais aussi aller à la messe le dimanche et faire ma prière chaque soir telle une vraie catholique.

Même enfant, on était conscient des dangers; on respectait à la lettre toutes les consignes des Directeurs et du personnel d'encadrement; pas question de se hasarder à franchir les limites de la propriété, nous devions vivre en vase clos, sans liberté aucune, sans possibilité de communiquer avec qui que ce soit : rien ne fonctionnait durant la guerre, ni la Poste, ni le train, ni aucun service public.

Heureusement on pouvait toujours compter sur les habitants du village de Chabannes pour nous emmener par exemple chez le dentiste en charrette (il n'y avait pas d'essence pour faire rouler les voitures) et nous ramener au château.

C'étaient également les paysans de Chabannes qui nous ravitaillaient en nourriture : à 10 - 11 ans on mange beaucoup; il nous arrivait souvent de manger des pommes de terre gelées ( la Creuse est un département du Centre de la France, très froid, il y neige beaucoup).

Quant à notre toilette, nous la faisions dehors, hiver comme été, à l'eau froide bien sûr : toutes les pièces du château avaient été aménagées en dortoirs et salle à manger pour y accueillir le maximum d'enfants de 2 à 16 ans.

À Chabannes nous étions 80 enfants.

Au château de Chabannes il n'y avait donc ni salle d'eau, ni salle de classe, d'où pour nous l'obligation de faire à pied chaque matin et chaque soir quatre kilomètres (au total 8 km par jour) pour nous rendre à l'école la plus proche de Fursac-le-Chateau (elle porte aujourd'hui le nom de Félix Chevrier). À faire ces kilomètres à pied, nos chaussures devenaient très vite éculées, on nous les remplaçait par des galoches en bois (j'ai souvent préféré marcher pieds nus ! )

J'avais dix ans lorsque j'ai pénétré pour la première fois dans cette salle de classe, c'est là que j'ai appris à lire et écrire; notre instituteur Monsieur Depomme était un modèle de tolérance : à chaque nouvel arrivant il tenait le même discours : "Peu m'importe que vous soyez juif ou catholique, vous êtes ici pour apprendre à lire et à écrire, je ne supporterai aucune réflexion désagréable entre vous sur vos origines, nous devons tous nous accepter, quelles que soient nos différences; je compte sur vous pour rendre votre classe harmonieuse".

Ainsi donc, il n'y avait jamais de violence entre nous, au contraire, on s'entraidait beaucoup pour rattraper nos années de retard scolaire, nous y sommes si bien parvenues que nous avons dépassé très vite le niveau des enfants du village.

Monsieur Chevrier, instituteur, au milieu des enfants de Chabannes.

Ce discours de Monsieur Depomme, mon premier instituteur, a guidé toute ma vie; également le désintéressement très courageux de tous ceux, comme Monsieur Chevrier ou Madame Chautard, qui ont consacré six ans de leur vie à sauver des centaines d'enfants juifs dans la plus grande discrétion. La guerre à mis sur notre chemin des êtres exceptionnels qui ont forgé notre personnalité, qui nous ont aidé à devenir des hommes. Soixante ans après, c'est à eux que nous pensons encore.

Fortunée Metz, 2006

Nous remercions les auteurs du site : http://www.childrenofchabannes.org/ auquel nous avons emprunté les photos rectangulaires (tirées des extraits du film).

* * *

Notes de Pedrot, Gambau, Marmotte, Odier-Delfuss, :
Une brassée de souvenirs 1941 - 1961
Marmotte (radiographe dentaire)
Le Docteur est fou
Victor Gambau, Premier économe de la Maison

Fragments de notes d'Yvonne Hagnauer :
Les cartes d'alimentation…
Les temps difficiles…
L'Aide à la Maison de Sèvres par L'Unitarian Service Comittee of Canada

Lire sur le site sevres-pratique.com :
Une enseignante de la Maison de Sèvres pendant la guerre

Regards de Michel, d'Annie et d'Ancien(ne)s :
La Maison de Sèvres et les cadeaux de son enseignement
Une école pas comme les autres - (1971-1974)
Témoignages d'Anciennes et d'Anciens

Texte d'Hughette, :
Un devoir à rendre - (4 juin 2005)

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