Dans la légendaire rue Croix-Bosset, où Jeanne d’Arc aurait livré un combat contre les Anglais, en octobre 1941, la Maison d’enfants de Sèvres prit possession de l’ancien couvent désaffecté des Oblates, communauté qui a vécu dans les lieux jusqu'à la guerre. Cette maison, située au cœur de la zone occupée, à quelques kilomètres de Paris, dans la ville de Sèvres où les Allemands entrèrent dès le 14 juin 1940, constitue un modèle tout à fait atypique dans le sauvetage des enfants juifs pendant la guerre. Elle représente une expérience unique pour avoir caché derrière le paravent d’une organisation collaborationniste, un nombre important d’enfants et d’adultes et pour sa volonté, après la guerre, de continuer à prendre en charge les enfants orphelins -tant sur le plan matériel qu’affectif- jusqu'à leur entrée dans la vie adulte et leur réinsertion totale dans la société française.
Le fonctionnement de la Maison de Sèvresrelève d’un paradoxe apparent : maison d’enfants du Secours National, Entr’Aide d’Hiver du Maréchal, créée dans un but philanthropique dont le principal enjeu est de promouvoir l’image du Maréchal et de Vichy, elle fut un havre de paix à la fois pour les proscrits du régime et, progressivement à partir de la rafle du Vel d’Hiv, pour des enfants juifs traqués par Vichy et les nazis, de sorte que ces pensionnaires pas tout à fait comme les autres constituèrent rapidement les deux tiers de l’effectif.
Le Secours National était une organisation antérieure à la Seconde Guerre mondiale. Il est créé en 1914, quand, après les premiers froids, on s’aperçut que les soldats manquaient de vêtements chauds et d’objets de première nécessité pour assurer leur vie quotidienne dans les tranchées, dans une guerre d’un genre nouveau. Un appel fut lancé par " L’Homme Enchaîné " pour recueillir des vêtements destinés à être envoyés au front de toute urgence. Ce fut la genèse du Secours National qui décida rapidement de prendre en charge les civils victimes de la guerre.
L’organisation nouvellement créée fut placée sous la présidence du mathématicien Appell. Son comité était constitué par une représentation de toutes les institutions. Cet éclectisme révèle que l’œuvre est au départ une initiative privée. Un décret du 29 septembre 1915 reconnut "L’Etablissement d’utilité publique destiné à venir en aide aux populations civiles éprouvées par la guerre et ses suites, aux vues des services rendus par le Secours National." Le décret du 19 octobre 1919 réactiva le Secours National. Au début de la Seconde Guerre mondiale, l’institution fut reconstituée par le Ministère Daladier par un décret du 19 octobre 1939, paru au Journal Officiel. Par un décret du 20 mai 1940, une ouverture de crédit de 50 millions de francs est allouée au Secours National. Un autre décret en date du 23 juillet 1940 attribue au Secours National le produit de la liquidation des biens des Français déchus de leur nationalité, ce qui situe l’orientation de l’assistance délivrée par cette œuvre. Le décret du 4 octobre 1940 -lendemain du décret instituant les statuts des Juifs-, place le Secours National sous la haute autorité du Maréchal Pétain.
Organisation de droit privé, dont plus de la moitié du financement est assurée par l’Etat, le Secours National reçoit de nombreuses subventions. Il a, par exemple, le monopole des appels publics à la générosité et des subventions de l’État ou des collectivités publiques. Par le décret du 18 octobre 1940, le produit de la loterie nationale lui est attribué jusqu’à la fin de février 1941. Cette recette est finalement prolongée jusqu’au 30 juin 1941.[2]
Le Secours National est dirigé au niveau national par Georges Pichat, ancien vice- président du Conseil d’État, assisté dans sa tâche par Jean Touté, membre également du Conseil d’Etat. Le Secours National échappe au contrôle des préfets régionaux, qui déplorent ne pouvoir exercer aucun droit de regard sur la nomination et l’action des délégués.[3]Vichy impose ainsi son effigie à cette œuvre, comme à de nombreuses autres. Témoignant également de la préoccupation sociale du nouveau régime, il prend une importance croissante au fil des années de la collaboration.
L’organisation fut vouée à être un puissant instrument de propagande, destiné à être d’autant plus efficace que le Secours National, dans son œuvre d’assistance aux populations civiles sinistrées, s’adresse directement aux masses populaires.[4] Aux antipodes de la ligne de conduite officielle du Secours National, la Maison d’enfants de Sèvres a été le réceptacle de tous ceux que Vichy avait condamnés. L’âme de la Maison de Sèvres fut insufflée par le couple formé par Yvonne et Roger Hagnauer.
A partir de 1941, ils animent la Maison de Sèvres qui, au-delà de la guerre, demeurera un modèle d’éducation et de résistance. Leur parcours est en droite ligne avec leur engagement dans la Maison de Sèvres et dans la résistance. Les Hagnauer, tous deux enseignants, sont connus avant guerre à la fois pour leur militantisme au sein du syndicalisme révolutionnaire, en tant que membres actifs du SNI (Syndicat National des Instituteurs), et pour leur intérêt pour les méthodes de l’Education Nouvelle et l’Ecole active.
Dans les années 1930, Roger Hagnauer, issu d’une famille juive alsacienne qui en 1871 a opté pour la nationalité française, fait partie des instituteurs et enseignants juifs du secondaire totalement détachés du judaïsme et dont l’engagement politique se situe à l’extrême gauche.[5] Il partage son engagement syndicaliste avec Yvonne Hagnauer [6] née Even, le 9 septembre 1898 à Paris, d’origine bretonne. Elle est titulaire du CEG, Histoire, Lettres, Anglais. Elle obtient des certificats d’anglais, écrit et oral, avec la mention " Urth Distinction " à l’université de Cambridge. Elle enseigne tout d’abord en tant que professeur d’anglais à l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris et au Centre de formation d’adultes au Ministère du Travail.
Elle participe à des stages en tant que conférencière au C.E.M.E.A, Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Education Actives. Yvonne Hagnauer est l’une des organisatrices du Congrès International de l’enseignement qui se tient en 1937 et dont elle dirige le service de presse. Féministe et syndicaliste convaincue, elle est membre de la commission paritaire du Syndicat National des Instituteurs et représente le personnel féminin des XVIIème, XVIIIème, XIXème et XXème arrondissements.
Roger Hagnauer est né le 19 juillet 1901 à Paris. Instituteur adjoint de troisième classe, il est titulaire du Brevet élémentaire, du Brevet d’enseignement primaire supérieur, du Baccalauréat Sciences, ainsi que d’un Certificat d’Aptitude Pédagogique, d’un Certificat d’Etudes Supérieures d’Histoire Moderne et Contemporaine, et d’un Certificat d’Etudes Supérieures de Sociologie. Il entre dans l’Enseignement Public de la Seine en qualité de Suppléant éventuel le 1er novembre 1919. Sa carrière est interrompue en 1922. Le 16 novembre, il est incorporé comme sursitaire de la classe 19, pour deux ans de service dans la Rühr en Allemagne occupée. Il est affecté sans lavoir demandé à la 22ème section dinfirmiers Militaires. Il reprend sa carrière dinstituteur et enseigne entre 1923 et 1936 dans différentes écoles de la capitale. [7] A partir du 1er octobre 1936 et pendant toute la période avant-guerre, il enseigne en tant quinstituteur délégué au cours complémentaire du Centre de Stains.
Il assure également des cours de français à des ouvriers étrangers sous forme de cours du soir de préparation au Brevet Elémentaire à Montreuil-sous-Bois de 1932 à 1936, activité pour laquelle il reçoit une lettre de félicitations pour " activité post-scolaire ".[8] Sa note professionnelle est de 17/20, il est précisé que la note de 18/20 est réservée aux candidats à des postes de directeurs, et que sa note est en augmentation constante depuis le début de sa carrière. En tant que militant fervent appartenant au syndicalisme révolutionnaire, il signe de nombreux articles dans La Révolution Prolétarienne, revue créée par Pierre Monatte, ami de Roger Hagnauer, et militant anarcho-syndicaliste, exclu du Parti Communiste en 1924, quelques mois avant lui. Au début des années 1930, Roger Hagnauer collabore à La Critique Sociale[9] de Boris Souvarine [10]. Il y rencontre notamment Simone Weill, agrégée de philosophie qui milite également au sein du SNI.
En 1939, c’est l’engagement pacifiste des Hagnauer qui les conduit vers le Secours National. En septembre 1938, Yvonne Hagnauer a fondé avec Jeanne Alexandre et Magdeleine Paz, La Ligue des femmes pour la Paix, qui fait suite aux tensions occasionnées par la rencontre de Munich. Ce mouvement est à l’image de l’action de militantes qui, pendant la guerre 1914-1918, étaient à la pointe du mouvement pacifiste, telles que Hélène Brion emprisonnée sous Clémenceau et condamnée en conseil de guerre en 1917. En septembre 1939, Yvonne et Roger Hagnauer signent le manifeste " Paix Immédiate "[11], appel lancé par Louis Lecoin, Ludovic Zoretti, Léon Emery, et signé par des personnalités aux orientations politiques et intellectuelles aussi hétéroclites que Déat, le philosophe Alain, et qui leur vaut d’être radiés de l’enseignement public par la Troisième République, en vertu d’un arrêté du Préfet de la Seine daté du 28 septembre 1939. Roger Hagnauer est alors poursuivi devant le Troisième Tribunal Militaire de Paris. En effet, après la déclaration de la guerre, Daladier, en poste à la Présidence du Conseil depuis le 10 avril 1938, tente d’abattre les ultra-pacifistes du SNI qui, malgré le rétablissement de la censure en date du 27 août 1939, redoublent d’activité pour tenter encore de s’opposer à la mobilisation et à la guerre.
Comme l’explique Claude Singer :
De plus, d’après les archives de la Maison de Sèvres, alors que tous les signataires du manifeste sont réintégrés par prescription acquise du 10 septembre 1940, Yvonne et Roger Hagnauer n’obtiennent leur réintégration qu’en 1942. Il semble alors que leur réintégration n’ait pas été différée en raison de leur engagement pacifiste, mais de leur militantisme au sein du syndicalisme révolutionnaire. Malgré son engagement pacifiste, Roger Hagnauer, mobilisé le 17 septembre 1939 ,[13] se porte volontaire dès le début de la guerre pour une formation de lavant. A la fin de février 1940, il est affecté sur sa demande, après avoir passé lexamen du caducée avec succès, au groupe sanitaire divisionnaire de la 44ème Division dInfanterie. Le 7 mars, il quitte Paris pour la zone des armées, soigne les blessés quil convoie fréquemment de nuit dans des voitures sanitaires. Il se distingue dans diverses opérations, notamment le 12 juin. A laube, il se présente spontanément pour aller chercher des blessés qui auraient été oubliés dans une cave dEpernay alors que la ville avait été évacuée, et ce malgré les bombardements. Il est dailleurs pour cette action proposé par son chef direct pour recevoir la Croix de Guerre.
Après la retraite à pied du 13 juin, il est fait prisonnier le 15 à Sainte-Meure, et en octobre 1940 se trouve encore au camp de Saint-André-Les-Vergers, près de Troyes. Le 3 octobre, au moment de la promulgation du premier Statut des Juifs, il est encore en captivité. Jouant sur le fait qu’étant prisonnier, les formulaires ne lui parviennent pas, il décide de ne pas se déclarer comme Juif. En novembre 1940, Roger Hagnauer revient de captivité .[14] Suspendu sans traitement le 28 décembre 1939, il redoute de ne plus jamais pouvoir enseigner.
Comprenant son désarroi, Gaston Perrot averti par Guiraud, -tous deux militants importants de l’Union des Syndicats de la Région Parisienne- le fait entrer à l’Entr’Aide d’Hiver, direction parisienne du Secours National, créée en novembre 1940, au salaire de 350 Francs par semaine. En février 1941, Roger Hagnauer est nommé secrétaire permanent, avec un salaire de 1 800 francs par mois. Enfin, en mars 1941, Henri Sirolle, syndicaliste de longue date de la Fédération des Cheminots de la C.G.T. qui se trouve à la direction générale du Secours NationalEntr’Aide d’Hiver du Maréchal, lui propose d’entrer dans son secrétariat. Roger Hagnauer réussit à travailler au Secours National du 15 novembre 1940 au 7 mars 1943 sans être inquiété. Son embauche qui peut paraître quelque peu surprenante, lui est facilitée par le fait qu’il ne s’est pas déclaré comme Juif. Il reconnaît également une certaine bienveillance de quelques membres de l’administration :
Il semble que Vichy n’ait pas opéré une sélection drastique dans le recrutement des effectifs du Secours National. En effet, de nombreux employés sont d’anciens syndicalistes. Grâce à la complicité de quelques dirigeants, Roger Hagnauer, Israélite et militant d’extrême gauche put y travailler pendant plus de deux ans, malgré les lois raciales et les persécutions. Roger Hagnauer est toléré au Secours National dans la mesure où il n’y tient pas un rôle de premier plan, étant employé au début en tant que subalterne. Il occupe ensuite un poste de secrétaire permanent, avant de devenir chef de groupe. En mars 1943, il est dénoncé, par une infirmière travaillant à la Maison de Sèvres " congédiée pour mœurs douteuses "[16] dès le mois d’avril. Il est interrogé par la Police aux Questions Juives. Il parvient à fuir grâce à Emile Favier, directeur de l’Administration et du Personnel de la région parisienne qui, interrogé par des enquêteurs de la Police aux Questions Juives et de la Sûreté Nationale, prend nettement position en faveur de Roger Hagnauer, lui laissant le temps de disparaître. Ce dernier, échappant à la déportation, parvient à gagner la zone libre où il se réfugie chez le Docteur Lefèbvre qui dirige un sanatorium près de Clermont-Ferrand où il demeure caché jusqu'à la Libération.
Yvonne Hagnauer est sollicitée également par le Secours National, et se voit confiée la direction de la colonie de vacances de Charny du 1er juillet au 1er octobre 1941, date à laquelle elle prend la direction de la Maison d’enfants de Sèvres. Elle hésite longuement avant de s’engager avec le Secours National. Mais cette institution représente pour elle la dernière opportunité d’enseigner et poursuivre son œuvre pédagogique. En 1939, alors que son époux était au front, elle s’était vue contrainte d’accepter un poste de représentante pour la maison Sudel -Société Universitaire d’Edition et de Librairie- pour laquelle elle devait traîner à pied, à bicyclette ou dans le métro, une valise remplie de livres scolaires.[17] En septembre 1940, elle se retrouve sans emploi et a pour seule ressource lallocation militaire de son mari.
La présence des Hagnauer au Secours National suscite, de la part de certains syndicalistes, de violentes critiques. Marcel Déat ayant été un des signataires du Manifeste Paix Immédiate, on leur reproche d’avoir été embauchés grâce à son soutien. Un certain Jean Serre, dans un article paru dans La France socialiste, le 20 mai 1942, tient des propos diffamatoires sur les Hagnauer, affirmant notamment que "Roger Hagnauer occupe un poste important au Secours National et donne chaque jour des preuves de son dévouement à la politique de collaboration du Maréchal." [18] Ces attaques véhémentes ne constituent que le début des procès dintention menés contre les Hagnauer.
Le 1er juillet 1941, Yvonne Hagnauer prend en charge la direction de la colonie de vacances de Charny. En 1941, la maison d’enfants, comme toutes celles ouvertes par le Secours National, avait pour vocation initiale de créer un centre permanent prolongeant l’œuvre temporaire de la colonie de vacances. Yvonne Hagnauer doit assumer la charge d’enfants en difficulté :
Les premiers enfants qui viennent peupler la Maison de Sèvres, toute nouvellement ouverte, sont naturellement ceux que les parents ne sont pas revenus chercher à la fin de la colonie. Enfants traumatisés par la guerre, dont les familles ne savaient plus que faire, enfants orphelins, ou de familles monoparentales ne pouvant plus subvenir à leurs besoins ou qui se désintéressaient de leur sort, ou encore parce qu’ils étaient partis en Allemagne, comme l’explique Yvonne Hagnauer dans ces quelques lignes :
Ces premiers pensionnaires victimes de la guerre et de l’exode qui peuplèrent la Maison de Sèvres étaient conformes à ce que l’Entr’Aide du Maréchal visait en ouvrant ces maisons destinées aux enfants victimes des bombardements, de l’exode, d’une situation familiale inadaptée à leurs besoins. C’est également avec ces enfants que Yvonne Hagnauer expérimente de nouvelles méthodes d’éducation qui perdureront à Sèvres au-delà de la guerre pour redonner à ces enfants des repères afin qu’ils dépassent l’état de choc émotionnel qui était le leur en arrivant. Car, tous les enfants qui ont séjourné à Sèvres ont en commun d’avoir traversé des drames auxquels leur âge ne leur permettait pas de faire face. Les raisons qui les ont conduits à Sèvres sont diverses. François Bordelais [21] a dix ans lorsqu’il entre à Sèvres en 1943. Il est issu d’une famille favorable au Maréchal Pétain. Ses deux parents décèdent dans la même année. Il arrive à Sèvres par l’intermédiaire d’une personne qui connaît Yvonne Hagnauer. Simone Chaput, née en 1932 a perdu ses parents au cours de bombardements aériens. Elle est recueillie à Sèvres où elle reste pendant plusieurs mois, choquée par les événements subis. [22]
Les enfants cachés à Sèvres y ont constitué une population à part, contraints de se fondre dans la masse des autres enfants, avec en commun un vécu atypique. Victimes de la guerre, parce quil avait été décidé que leurs parents, puis eux-mêmes, navaient plus le droit dexister, ils avaient également en commun le poids de la clandestinité, contraints de cacher qui ils étaient, marqués pendant ces années irrémédiablement par leur différence qui les séparait des autres enfants.
Ils avaient tous en commun la perte de leur identité et la nécessité de répondre à un nom qu’on leur avait attribué, et dont ils avaient souvent dû changer au cours du périple qui les avait conduits à Sèvres, sans que peut-être consciemment ils ne puissent comprendre pourquoi. Cette seconde vague de pensionnaires au sein de la maison furent les enfants proscrits par Vichy, enfants qui avaient connu la séparation d’avec leurs parents, et une instabilité constante, allant de maisons d’enfants en maisons d’enfants, déplacés sans cesse, dès que l’ombre d’un danger venait menacer leur sécurité. Ces enfants juifs qui arrivent à Sèvres à partir des années 1942-1943 forment rapidement les deux tiers de la population enfantine de Sèvres. Yvonne Hagnauer les évoque ainsi :
Les listes des enfants conservées à Sèvres permettent de rendre compte de la variété des situations des enfants cachés. Mais ces listes ne sont guère bavardes sur le destin de ces enfants. La clandestinité impérative de leur placement dans cette maison réduit les sources à un strict minimum. Même les membres du personnel, qui étaient des proscrits du régime qui avaient trouvé refuge à Sèvres, ignoraient tout des filières qui ont conduit les enfants. Thérèse Manessi se souvient néanmoins de ces enfants qui arrivaient par petits groupes, sans que personne ne puisse dire d’où ils venaient. Pour la sécurité de tous, ces filières devaient rester mystérieuses.
Ce qui facilitait le non dit des véritables identités était que les enfants de Sèvres avaient tous en commun leur fardeau de misère et ils n’évoquaient quasiment jamais entre eux le parcours qui les avaient conduits à Sèvres. Pour la sécurité des enfants cachés, Yvonne Hagnauer institua l’usage des totems qui évinçait les risques de les voir révéler leur identité à leurs camarades. Yvonne et Roger Hagnauer allaient ainsi devenir pour le restant de leur vie Goéland et Pingouin. Cette habitude, née de la nécessité de s’adapter à la clandestinité, perdura dans la maison.
Yvonne Hagnauer le justifie ainsi :
Roger Hagnauer explique lui aussi :
Les premiers enfants cachés à Sèvres avaient conservé leur véritable identité. Puis, le nombre denfants augmentant, il était devenu nécessaire de procéder au sein de la maison, à la fabrication de faux papiers :
Il est très difficile de retrouver les filières souterraines qui ont conduit les enfants à la maison de Sèvres. Comment ces derniers parvenaient-ils jusqu’à Yvonne Hagnauer ? Entre 1941 et 1942, les enfants admis clandestinement arrivent individuellement et leur prise en charge à Sèvres tient plus à un concours de circonstances qu’à des filières organisées. A partir de la fin 1942 et de façon plus générale à partir de 1943, le placement d’enfants juifs prend un caractère plus systématique. Ainsi, ces premiers pensionnaires qui arrivèrent à Sèvres par des mouvements organisés provenaient vraisemblablement de la liquidation des foyers de l’O.S.E. En 1943, alors qu’il fallait trouver d’urgence des solutions pour disperser les derniers enfants des centres, un responsable vint trouver Yvonne Hagnauer pour qu’elle accepte de prendre quelques enfants restant dans des maisons. Roger Hagnauer relate ainsi les propos qui se tinrent dans le bureau d’Yvonne Hagnauer :
Ces premiers enfants sauvés intègrent la Maison de Sèvres par les circuits clandestins de la résistance juive. Puis, on sait par exemple que Marcel Mangel conduisit quelques enfants à Sèvres en 1944. Juif alsacien, il est né le 22 mars 1923 à Strasbourg, il étudie à l’Ecole Nationale des Arts décoratifs de la ville. Il est membre du Front National de la ville de Strasbourg, réfractaire au S.T.O depuis 1943 avec son frère Simon Mangel, instituteur, né le 8 avril 1921 à Strasbourg. Marcel et Simon Mangel fuient la Haute-Vienne et gagnent la Dordogne. Simon Mangel intègre les F.T.P. (Francs Tireurs Partisans) avec la fonction de capitaine et sous le faux nom de Pierre Mangeot.
Marcel Mangel entre dans la clandestinité en prenant le nom de Marcel Marceau, né le 22 mars 1925 à Lille. Il travaille en tant que moniteur d’art dans différentes maisons d’enfants de l’O.S.E : les châteaux de Montintin, du Couray et de Chaumont en Haute- Vienne, les châteaux du Masgelier et de Chabannes dans la Creuse. En février 1944, il convoyait un groupe d’enfants provenant du Masgelier à la frontière suisse. La petite troupe fut refoulée et sur les conseils de son cousin Georges Loinger, organisateur des passages en Suisse, Marcel Mangel et les fillettes arrivèrent à Sèvres.
Quand nous avons demandé à Georges Loinger [30] , comment avait-il eu l’idée d’envoyer son cousin et les enfants dans cette étrange maison du Maréchal, il nous répondit qu’Yvonne Hagnauer était connue, et que le bouche-à-oreille avait joué. Dans un autre témoignage il indique :
Dans les archives de Sèvres, aucun document ne permet de retrouver un quelconque rapport entre Yvonne Hagnauer et Georges Loinger. Yvonne Hagnauer était connue de certains membres de l’O.S.E. Il paraît évident qu’il existait également un lien entre certaines maisons du Secours National dont les directeurs et directrices acceptaient de prendre les enfants. L’itinéraire d’Eva Lang, née Tuschneider [33] , et des ses deux soeurs apporte un éclaircissement sur ce point. Les trois fillettes ont été sorties du camp de Rivesaltes par l’O.S.E. puis après un séjour au centre de Palavas-les-Flots et dans une famille d’accueil furent emmenées dans la maison du Couret en Haute-Vienne, dirigée par l’O.S.E.
Après la rafle du 27 août 1942 dans la maison, au cours de laquelle les filles de plus de seize ans furent arrêtées, quelques fillettes furent envoyées sous une fausse identité à la maison des Basses-Fontaines située dans le village de Saint-Laurent-des-Eaux, dirigée par Madame Chautard. Après une visite problématique de la police, les fillettes furent envoyées en Indre-et-Loire, dans une autre maison du Secours National : le Château du Coudray. Enfin, revenues aux Basses-Fontaines, les fillettes furent placées à Sèvres où Yvonne Hagnauer les prit sous sa protection. Eva se souvient du passage de Marcel Marceau au château du Couret :
En 1944, Marcel Marceau emmène à Sèvres, la sœur d’Eva qui n’avait pu suivre le même itinéraire qu’elle en raison de problèmes de santé, en même temps que plusieurs autres fillettes dont l’arrivée est enregistrée le 12 mars 1944. Il semble que Marcel Marceau ait emmené plusieurs groupes d’enfants à Sèvres. Ainsi, une partie des enfants qui peuplèrent la maison en 1944 étaient des enfants de l’O.S.E. placés secondairement dans les maisons du Maréchal dont les dirigeants étaient, comme Yvonne Hagnauer, farouchement en opposition à la ligne de conduite officielle dictée par Vichy.
Selon les propos de Roger Hagnauer, une partie importante de la direction de la région parisienne, dont des membres éminents tels que Henri Sirolle étaient d’anciens syndicalistes, fut rapidement gagnée aux idées de la Résistance. En effet, il semble acquis que si l’œuvre est profondément marquée par l’idéologie du régime de Vichy, une partie du personnel, dans les bureaux et dans les maisons d’enfants, aient développé des idées diamétralement opposées. D’après les propos d’Yvonne Hagnauer, Henri Sirolle et Jean Favier étaient au courant de ses activités. De plus, elle avait besoin de complicité pour faire admettre les enfants juifs dont elle devait justifier la présence. Thérèse Manessi, fut institutrice à Sèvres à partir du 1er juillet 1943, bien que tenue à l’écart comme le reste du personnel à l’exception de Victor Gambau, l’économe, des filières clandestines par lesquelles arrivaient les enfants, savait que des liens entre Yvonne Hagnauer et des responsables du Secours National facilitaient l’hébergement clandestin de certains enfants :
Une chaîne de solidarité s’est donc créée en faveur des enfants au sein du Secours National. Dans de nombreux départements, des enfants ont pu être cachés dans les maisons de cette organisation collaborationniste : Freddy Menahem qui appartenait au mouvement des Eclaireurs Israélites, la Sixième clandestine en zone occupée, a pu nous indiquer que le président du Secours National dans la Sarthe procurait des refuges aux enfants Juifs que les E.I. cachaient dans ce département. Ce dernier inculpé à la libération, parce que membre d’une organisation collaborationniste, s’est fait remettre la médaille de la Résistance par Freddy Menahem. [36]
En zone libre, le Secours National de Limoges et de Périgueux procurait un asile sûr aux enfants du circuit Garel que nous avons évoqué précédemment et Moussa Abadi, dans la région de Nice plaça également des enfants dans les établissements dépendant de cet organisme. Henri Roder, pasteur de l’église réformée d’Aubervilliers, confia à Yvonne Hagnauer six enfants. Les premiers furent ceux d’une femme dont le mari avait été arrêté au cours de l’été 1942. Redoutant d’être arrêtée avec ses enfants, elle était venue demander secours au pasteur, afin qu’il lui procure une adresse pour mettre ses enfants en sécurité. Parmi les enfants envoyés par Henri Roder, il y avait quatre enfants appartenant à la famille Warsager.
Yvonne et Roger Hagnauer avaient de nombreuses relations dans le milieu enseignant, du fait de leur engagement syndicaliste au sein du Syndicat National des Instituteurs et de leur intérêt profond pour la pédagogie. La Maison de Sèvres ayant la fonction d’internat, on peut sans nul doute émettre l’hypothèse que de nombreux instituteurs qui voyaient défiler dans leurs classes des enfants arborant l’étoile jaune, ont dû en diriger quelques uns sur Sèvres. De nombreux enseignants imprégnés des valeurs de laïcité de la Troisième République ont refusé les discriminations raciales et ont constitué des maillons importants dans la résistance silencieuse au profit des enfants. Une lettre d’une institutrice enseignant dans une école de garçon du XXème arrondissement confirme cette hypothèse :
Dans les archives de Sèvres, a pu être retrouvée une lettre de remerciement d’Isabelle Godkind, ancienne assistante sociale à l’U.G.I.F. qui trouva refuge à Sèvres en 1943. Cette femme a peut-être pu placer à Sèvres des enfants sortis clandestinement des foyers de l’U.G.I.F. Les enfants placés dans les maisons du Secours National devaient obligatoirement passer par le centre de triage de Bures-sur-Yvette en Seine et Oise. Les enfants juifs ne pouvaient donc être admis en passant avec leur véritable identité via ce centre qui les auraient refusés. Pour certains, ce passage obligé était contourné. Pour d’autres Yvonne Hagnauer lavait les cartes d’identité ou se servait de l’identité d’autres enfants pour les faire admettre. Pour quelques garçons, elle se procura par le biais de l’Église, des certificats de baptême et de non circoncision. Yvonne Hagnauer obtenait parfois des faux papiers par l’intermédiaire de la municipalité de Sèvres, mais en général les papiers des enfants étaient directement blanchis à Sèvres par ses propres soins.
Ainsi Juliette, Sabine et Annette Cohen, trois soeurs étaient inscrites sous le nom de Cohue. Edith Alperovitch est placée à Sèvres sous l’identité d’Edith Albert. L’histoire de cette dernière est racontée par Yvonne Hagnauer dans ses souvenirs personnels. Elle arrive à Sèvres en janvier 1944, avec un groupe d’enfants emmenés à Sèvres par Marcel Mangel. Parmi ces enfants pris en charge à Sèvres, Edith Alpérovitch arrive avec une fièvre due à la scarlatine. Elle est conduite à l’hôpital de Versailles, où on réclame un état-civil de l’enfant. Yvonne Hagnauer craint des visites problématiques si une contamination se produit. Mais, pour faire admettre cette enfant, une autorisation parentale est nécessaire. La carte d’identité lavée à Sèvres est insuffisante. Yvonne Hagnauer prend contact avec le curé de l’église de SaintRomain, afin de s’assurer de la fiabilité de l’aumônier de l’hôpital de Versailles qui pourra fournir une attestation indiquant que les parents d’Edith ont disparu pendant l’exode. Ce dernier permet ainsi de faire admettre la fillette sans qu’un soupçon ne soit éveillé.
Yvonne Hagnauer avait acquis pendant les années de l’occupation, la réputation dans les milieux de la résistance de donner refuge aux proscrits de Vichy. Madame Simon, directrice du cours complémentaire de jeunes-filles de Sèvres confia à Madame Hagnauer pour les héberger, des réfractaires au S.T.O. et une collègue juive. En 1943, Yvonne Hagnauer demande à Madame Simon de lui procurer des contacts dans le milieu de la résistance et souhaite être mise en rapport avec des collègues pour la reconstitution clandestine du syndicat en Seine et Oise. Le personnel de Sèvres est composé essentiellement par des proscrits du régime de Vichy. Vingt-deux adultes y furent hébergés clandestinement sous l’occupation.
Avec Yvonne Hagnauer, Eliane Guyon, normalienne, employée en tant que surveillante générale, fut la première à entrer dans la maison de Sèvres dont elle participa à l’installation :
Yvonne Hagnauer et Eliane Guyon étaient deux fortes personnalités ayant en commun une passion sans limites pour les enfants et la pédagogie. Eliane Guyon fait partie du nombre restreint de personnes au courant des activités d’Yvonne Hagnauer en faveur des adultes et des enfants. C’est elle notamment qui aidera Roger Hagnauer à s’enfuir en zone libre, après qu’il ait été dénoncé. Parmi le personnel de Sèvres, se distingue la personnalité, bien connue par les anciens de Sèvres, de Monsieur Gambau qui entre à la maison en avril 1942 en qualité de comptable, puis qui devient l’économe de la maison.
Ancien syndicaliste de l’Imprimerie Nationale, révoqué par Vichy en raison des lois de 1940, il est un des seuls membres du personnel au courant des filières clandestines qu’empruntent les enfants qui arrivent à Sèvres. Yvonne et Roger Hagnauer le connaissent depuis de nombreuses années. La présence de Victor Gambau semble avoir provoqué des tensions entre ce dernier et Monsieur Naudin. Celui-ci fut congédié en septembre 1942 après avoir envoyé une lettre de doléance dont les propos sont au dire d’Yvonne Hagnauer, diffamatoires, à Favier, directeur de l’administration générale et du personnel de l’Entraide d’Hiver :
La lettre est communiquée à Yvonne Hagnauer par Favier. Elle exige le renvoi de l’économe, qu’elle juge dépassé par ses fonctions. Il semble également que Monsieur Naudin ait peine à supporter la forte personnalité de cette dernière et de Victor Gambau. Il prend en septembre 1942 ses fonctions d’économe. Roger Hagnauer l’évoque ainsi :
Peu de temps après, arrivent les enfants cachés à Sèvres. Pour eux, comme pour le personnel des faux papiers s’imposent. Victor Gambau, homme de confiance, assumera cette tâche, la nuit, avec Yvonne Hagnauer et Eliane Guyon. Les cartes d’identité des enfants sont lavées directement à Sèvres. Thérèse Manessi qui participa ponctuellement à ces opérations se souvient :
Victor Gambau s’improvisa également en 1942, passeur d’enfant :
Le personnel engagé à Sèvres illégalement provenait d’horizons divers. La première institutrice hors la loi à Sèvres fut Madame Brunschwig, Israélite chassée de l’enseignement primaire par la loi du 2 juin 1941, bien que ne s’étant pas déclarée juive et entrée dans la maison sous le nom de Lamarque le 15 décembre 1941. Marie Décker née Pangrazzi entrée à Sèvres le 13 janvier 1942 et s’occupant des classes de C.E.P., était dans la même situation. Madame Nalpas, fille de Roumain naturalisé enseignait également dans la maison d’enfants depuis le 7 février 1942.
Lucie Charles, franc-maçon, a été révoquée de l’enseignement primaire en vertu des Lois sur les Sociétés Secrètes, elle entre à Sèvres le 1er novembre 1942. Elle conseille à Thérèse Manessi, jeune institutrice âgée de 19 ans, fille d’italien naturalisé et chassée de l’enseignement en raison des lois sur les étrangers de se présenter à Sèvres. Elle y entre le 1er juillet 1943. Par l’intermédiaire d’Eliane Guyon, Suzane Meilmann entre à Sèvres le 1re mai 1944. Institutrice suspendue de ses fonction parce que juive, elle se réfugie en Dordogne. Après l’intensification des rafles en Dordogne qui met fin à une période de relative tranquillité, elle quitte la Dordogne avec sa mère. Toutes deux assignées à résidence surveillée, israélites, et sans cartes d’alimentation, sa mère est de surcroît sans papiers en raison de sa nationalité britannique. Les deux femmes, après avoir passé la ligne de démarcation trouvent refuge à Sèvres.
Parmi les moniteurs, nombreux furent également des proscrits :
Monsieur Friedmann, ancien élève de Paul Bert dans l’impossibilité d’enseigner, arriva à Sèvres en juillet 1942. Madame Razin a été chassée par Vichy de l’Hôpital Saint Gabriel à Clermont-Ferrand, elle se retrouve à Sèvres en octobre 1943. Etant donné qu’elle vient de Clermont-Ferrand, et la date à laquelle elle arrive, on peut supposer qu’elle a été envoyée à Sèvres par Roger Hagnauer. Arrivée à Sèvres en 1944, Madame Ceccaldi est d’origine roumaine et révoquée de l’enseignement en 1942.
Marcel Mangel, le Mime Marceau, devient moniteur. Arrivé à Sèvres, d’après les archives, le 8 février 1944, il ne repart qu’en septembre. Madame Hadju, dont le mari hongrois traqué se cache dans les Pyrénées, fut également employée en tant que monitrice. Elle est cachée à Sèvres avec son enfant. Le jardinier de la Maison de Sèvres du 1er mars 1943 au 18 juin 1944, est un membre actif de la résistance et réfractaire au S.T.O. Avant d’entrer à Sèvres, il se trouve sans papiers réguliers et dans l’impossibilité de trouver un travail non clandestin. Il est nourri et logé à Sèvres avant de rejoindre le maquis en juin 1944. Au cœur de la zone occupée, une telle concentration de proscrits au sein d’un même établissement qui relevait en outre d’une œuvre collaborationniste paraît extraordinaire. Aucune arrestation n’a eu lieu à Sèvres pendant toute la période. Pourtant plusieurs alertes auraient pu conduire Yvonne Hagnauer à se séparer des enfants qui vivaient dans la maison. Comment un tel regroupement a-t-il pu être possible ? Hormis quelques soutiens au sein du Secours National et de la résistance locale, ce travail reposait sur la seule personne d’Yvonne Hagnauer.
En 1941, quelques mois avant larrivée des enfants et du personnel, la maison de Sèvres fut inaugurée par les Centres dEntrainement aux méthodes de Pédagogie active, dont Laborde et Mademoiselle de Failly vinrent tenir leurs premiers stages. Cette nouvelle maison denfants se plaçait ainsi sous le signe dun renouvellement de léducation. Yvonne Hagnauer était bien avant son entrée à Sèvres passionnée par la pédagogie. Elle effectua de nombreuses recherches sur les méthodes de l’Education Nouvelle qu’elle synthétisa pour les adapter au mieux à la situation des enfants. Dès 1935, elle avait pris connaissance des expériences de " Self Government " de John Dewey aux Etats-Unis, et en interaction avec les méthodes de l’Education Nouvelle, décida de les mettre en application dans sa classe de lettres de cours complémentaire du XXème arrondissement de Paris, à travers " la création d’un conseil élu, chargé de rendre compte des besoins, désirs et critiques de l’ensemble de la classe. " [43]
Si lexpérience fut un succès au niveau des élèves, elle entraîna pour Yvonne Hagnauer quelques désagréments :
Yvonne Hagnauer milite avant guerre aux côtés de Wallon, Cousinet, du Père Chatelain pour un renouvellement éducatif fondé sur les méthodes de Decroly et de lEducation Nouvelle. Sa passion pour la pédagogie lincite en 1944 à passer la frontière belge sans papiers didentité, oubliés dans la hâte, pour voir lécole dUcèle et entendre Wallon. En arrivant à Sèvres, Yvonne Hagnauer était accompagnée dEliane Guyon, une de ses anciennes élèves de lEcole Normale, qui tint le rôle de surveillante générale et qui était passionnée par les méthodes de lEducation Nouvelle. Sèvres permit à Yvonne Hagnauer de donner libre cours à des expérimentations pédagogiques au service des enfants.
Lenseignement est fondé sur lobservation, la liberté, le développement de centres dintérêt qui génèrent une participation active des enfants. La maison de Sèvres ne peut être rattachée à une seule pensée pédagogique, elle fut une synthèse dun ensemble de réflexions qui permit dorganiser un système éducatif voué au bien-être des enfants, et dindividualiser les méthodes de transmissions du savoir :
Dès louverture de la maison, une partie du personnel comme les enfants était victime à des degrés divers de la politique de persécution conduite par le régime de Vichy. Cet état de fait a produit un terrain propice à lélaboration dune réflexion qui devait conduire à analyser les méthodes les plus appropriées à leur réinsertion dans la vie normale. Le malheur commun à Sèvres, constitua un " ciment affectif " autour duquel une communauté soudée sest développée. Yvonne Hagnauer le résume ainsi :
Yvonne Hagnauer sintéresse aux méthodes Montessori avant de les rejeter en partie. Elle reprend en partie les travaux de Dumas pour lenseignement de lhistoire par le document. Elle prête également attention aux recherches de Lapierre, aux travaux sur lEcole Emancipée, à John Dewey, Mabel Barker, Claparède, Ferrière, Doltrens et Freinet pour sa vulgarisation des moyens techniques éducatifs multiples.
Sa préférence va néanmoins à Decroly :
Le but de la pédagogie employée par Yvonne Hagnauer est de développer lintérêt des enfants, de libérer leur potentiel créatif et de les responsabiliser. Lenseignement est fondé sur la Liberté. La maison devient ainsi la propriété de tous. Les enfants sont responsables de son bon fonctionnement. Certains sont en charge des tartines du petit-déjeuner, dautres doivent prendre soin des animaux :
Dans la lignée des travaux de Decroly, la maison d’enfants développe des ateliers d’imprimerie, de pipeau, de tissage, de tournage, de dessin, de modelage destinés à favoriser l’expression des enfants. Dans cette optique, le chant à travers la chorale, ainsi que la danse occupent une place de choix au sein de la maison. Au début de chaque année, les enfants choisissent deux ou trois ateliers qu’ils doivent fréquenter régulièrement. Tout dans la maison est destiné à favoriser la liberté des enfants.
Durant les quatre années de l’occupation, l’effectif de la maison tant du point de vue des enfants que de celui des adultes ne cessa de croître. Dans une période de privation, ce surplus d’enfants n’allait pas sans poser de problèmes. Yvonne Hagnauer et Victor Gambau durent déployer des efforts considérables pour subvenir aux besoin des enfants. En 1944, ils partent tous deux en camion, arracher des carottes et des pommes de terre qu’ils ont achetés mais qui ne leur ont pas été livrés. La concentration d’enfants juifs à la maison de Sèvres, suscita de la part des dirigeants du Secours National une inquiétude. En 1944, Jean Favier, redoutant que les activités d’Yvonne Hagnauer ne soient découvertes, somme cette dernière de disperser les enfants. Roger Hagnauer évoque ainsi cet épisode :
La maison de Sèvres est restée tout au long de la guerre, conforme aux idées des Hagnauer. A son arrivée dans la maison de Sèvres, Yvonne Hagnauer avait ressorti, de ses archives personnelles, une affiche républicaine réalisée par un de ses élèves sur laquelle figurait la devise " La liberté ou la mort ". La devise trônait en bas de l’escalier, à l’entrée de la grande salle et ne pouvait échapper au regard des officiels qui venaient visiter la maison, tandis que la photo du Maréchal se trouvait reléguée derrière un piano, où elle avait pratiquement disparu. Cette devise, symbole de la volonté de ne pas adhérer aux thèses de Vichy exprime la ligne de conduite du couple à travers les années de la guerre.
La Maison de Sèvres ne fut pas exempte de visites problématiques qui mettaient en cause la sécurité des enfants et du personnel. Au cours d’une visite, des officiels avaient demandé aux enfants de chanter " Maréchal nous voilà ". Hélène Brunschwig qui avait la charge des enfants était juive. Elle refusa catégoriquement. Un groupe d’enfants venant d’une autre maison et qui était de passage à Sèvres commença à entonner le chant qui permit d’échapper à des complications [50] .
A des fins de propagande, la Maison de Sèvres fit l’objet d’un article élogieux dans la Gerbe, journal collaborationniste par excellence, suite à la visite d’une journaliste venue placer un enfant en détresse dans la maison. La Maison de Sèvres reçut également la visite d’Abel Bonnard. Si les activités d’Yvonne Hagnauer demeurèrent ignorées, la maison fit l’objet de suspicions. Yvonne Hagnauer se souvient " des visites inattendues d’un insinuant et mystérieux personnage, qui, sous prétexte de placements d’enfants, s’intéressait un peu trop à la maison... J’appris incidemment par la suite, qu’il était membre du Commissariat aux Questions Juives. " [51]
Le 18 janvier 1944, la Maison de Sèvres fut inspectée par le Général Faury. Il consulte toutes les fiches concernant les enfants, sans pouvoir déceler la présence d’enfants juifs dans la maison. La conclusion de son rapport est particulièrement élogieux :
La guerre s’arrêta avant que la Maison de Sèvres ne soit instituée en instrument efficace de propagande pour le Secours National.
La fin de la guerre ne fut pas à Sèvres un simple retour à la normale. Les jours qui précédèrent la Libération furent ponctués d’événements dont Yvonne Hagnauer garde un souvenir tenace :
A la Libération, Yvonne et Roger Hagnauer sont l’objet de deux procès d’épuration. Le premier leur est intenté en octobre 1944. Les Hagnauer connaissent le lot de tous ceux qui ont travaillé au sein du Secours National, car œuvre collaborationniste. Des témoignages abondants les disculpent rapidement des faits qui leur sont reprochés.
Une deuxième commission, en janvier 1945, au sein du Syndicat National des Instituteurs s’en prend alors à eux, sous des prétextes fallacieux. A la Libération, les communistes ont pris une importance considérable dans le syndicat. Cette nouvelle commission vise à épurer du S.N.I. les membres non communistes. L’engagement des Hagnauer au sein du Secours National sert de tremplin pour une nouvelle accusation destinée à les évincer d’un syndicat où ils sont actifs . [54] Il leur est reproché d’être entré au Secours National, d’avoir reçu la visite d’Abel Bonnard, d’avoir fait l’objet d’un article élogieux dans la Gerbe. Le verdict de la commission ne sera pas en faveur des Hagnauer. Il faudra une deuxième commission pour les laver de tout soupçon.
Avec la fin de la guerre, enfants et adultes cachés à Sèvres recouvrent leur véritable identité. Thérèse Manessi se souvient de l’annonce de la Libération à la Maison de Sèvres :
La secrétaire de la Maison d’enfants de Sèvres évoque également dans quelles circonstances, elle découvrit le nombre d’enfants cachés à Sèvres :
Pour les enfants dont les parents ont été déportés, commence le début de l’attente du retour des parents. Roger Hagnauer évoque ainsi ces enfants :
Peu d’enfants cachés retrouvent leurs parents à la Libération : Léa et Jacqueline S. âgées respectivement de 12 et 14 ans en 1944 n’ont plus pour famille, au sortir de la guerre, qu’une petite cousine. La maison accueille d’autres enfants dont les parents ont été déportés ainsi qu’une adolescente rescapée des camps. Pour ces enfants, la maison devient désormais leur famille. Une affection particulière les lie à Yvonne et Roger Hagnauer depuis le moment de leur arrivée dans la maison. Sans personne pour les reprendre après la guerre, ils retrouvent à Sèvres les dimensions d’un véritable foyer :
En 1947, Victor Vicas réalise le film La petite République mettant en scène les enfants de la maison d’enfants de Sèvres avec Martine Caroll. Dans ce film, qui se veut un documentaire sur les enfants victimes de la guerre, le vécu des enfants cachés apparaît en filigrane. Les enfants qui prennent part au film y revivent leur propre histoire. Le titre du film donnera un nouveau nom à la maison d’enfants de Sèvres. A la Libération, la Maison d’enfants de Sèvres comptait une centaine d’occupants alors que ses capacités d’accueil étaient sensées ne pas lui permettre de recevoir plus d’une soixantaine d’enfants. A Sèvres, on se pencha dès 1942, sur les conséquences que pouvaient avoir sur les enfants, la séparation d’avec leurs parents, la déportation, l’instabilité de leur vie. A Sèvres, ce ne sont pas les enfants qui s’adaptèrent aux méthodes d’éducation, mais l’enseignement qui fut créé pour ces enfants.
Les plus grandes qui suivaient des cours en dehors de la maison, rentraient chaque soir à Sèvres qui devint " leur foyer ". Beaucoup ne quittèrent la maison que le jour de leur mariage. Tous les mariages des anciens de Sèvres furent célébrés par Monsieur Pédrot à la mairie du Vème arrondissement. Cette prise en charge totale des enfants demeure une exception dans l’itinéraire des enfants orphelins après la guerre. L’identité de cette maison d’enfants s’est forgée durant les premières années de son existence, celles de l’arrivée des enfants cachés. Elle était si forte que lorsque les citoyens de la Petite République s’installèrent dans une maison plus spacieuse à Meudon, le nouvel établissement continua à s’appeler Maison d’enfants de Sèvres.
Ce propos de Monsieur David résume parfaitement l’atmosphère qui régnait à la Petite République :
Dès la fin de la guerre, Yvonne Hagnauer a été à la pointe de la réflexion sur l’enfance victime de la guerre et les moyens possibles pour réadapter les enfants afin de leur permettre de retrouver leur place dans la société.
Les enfants ont vénéré le couple Pingouin et Goéland, comme leurs véritables parents comme le témoignent ces quelques mots écrits par une ancienne partie en Israël :
Yvonne et Roger Hagnauer manifestèrent également un attachement viscéral aux enfants. C’est sans doute pour cette raison qu’Yvonne Hagnauer ne se résolut à prendre sa retraite qu’en 1971 alors qu’elle était âgée de 73 ans, étape qu’elle vécut comme un arrachement. Marcel Marceau qui mena après son passage à Sèvres une carrière brillante, resta fidèle à la maison. Il y apporta discrètement des dons. En 1959, il était présent lorsque Igor Barrère [62] vint réaliser un reportage sur la maison d’enfants. Si l’œuvre pédagogique entreprise à Sèvres fut saluée par de nombreux articles, la maison, depuis la mort d’Yvonne Hagnauer, était tombée dans l’oubli. Sèvres demeura au delà de la guerre, une aventure à part.
A la fin de la guerre, la maison dépendait de l’Entr’Aide Française qui héritait des maisons d’enfants du Secours National, mais en bénéficiant de moyens beaucoup plus limités. L’Entr’Aide Française dissoute, la Maison d’enfants de Sèvres put continuer son œuvre avec l’appui du Directeur de l’Enseignement de la Seine. Il permit avec de nombreux appuis de constituer une association placée sous le contrôle du département de la Seine. En marge de l’enseignement public et privé, la Maison de Sèvres poursuivit son action. Yvonne Hagnauer décédait le 1er novembre 1985, deux mois avant son époux.
Sommaire - Introduction - I Enfants cachés, enfants en danger - II Les organisations juives - III Deux organisations laïques - IV Juifs et chrétiens - V Le réseau Marcel dans la région de Nice - VI La Maison de Sèvres - VII Conclusion - VIII Bibliographie - Iconographie
[1] D’après la brochure, Des enfants dans leur maison, éditée par la Société des Amis de la maison d’enfants de Sèvres, à l’occasion du dixième anniversaire de la maison, 1951, 11 pp.
[2] Chronologie établie d’après le répertoire numérique des archives Lucille GRAND, 24W8, Archives de Paris. Les archives du Secours National sont éparpillées dans différents fonds d’archives, aux Archives de Paris, les archives concernant le Secours National sont regroupées sous la cote 24W. Sur les maisons d’enfants du Secours National, et la direction parisienne, on pourra également consulter les rapports de J. STEIB et GAFFE, Archives Nationales 307 AP 160, Fonds Dautry, pièces d’archives aimablement communiquées par Monsieur Jean-Pierre LE CROM.
[3] D’après Marc Olivier BARUCH, Servir l’Etat français, l’administration en France de 1940 à 1944, préface de Jean-Pierre AZEMA, Editions Fayard, Paris, 1997, 737 pp, voir en particulier pp 254-255.
[4] D’après L’œuvre de l’Entr’Aide Française, Rapport de la Section Syndicale du personnel, décembre 1945. Rapport présenté aux membres de l’Assemblée Nationale Constituante par la Section Syndicale de l’Entr’Aide Française, (C.G.T.), Archives de la Maison d’enfants de Sèvres, archives privées conservées par Madame Gisèle DEBAIN au Perray-en-Yvelines et depuis déposées au C.D.J.C. Pour faciliter la lecture, nous nommerons ces archives par une abréviation : A.M.E.S.
[5] D’après Claude SINGER, Vichy, l’Université et les Juifs, édition Les Belles Lettres, Collection Pluriel, Paris, 1992, 435 pp
[6] Biographie établie daprès un curriculum vitae dYvonne HAGNAUER, récapitulation de carrière datée de 1970, A.ME.S.
[7] Il est titulaire de 6ème classe au 1er janvier 1923. Il exerce ensuite en tant quInstituteur adjoint : au Bourget du 1er octobre 1924 au 1er octobre 1925, au Pré-Saint-Gervais, du 1er octobre 1925 au 1er octobre 1932, à Paris dans le XIXème arrondissement, rue des Cheminets, du 1er octobre 1932 au 1er octobre 1934, dans le XXème arrondissement également rue Manin du 1er octobre 1934 au 1er octobre 1936.
[8] Eléments établis daprès un C.V de Roger HAGNAUER, datant probablement de 1941-1942.
[9] D’après Claude SINGER, Vichy, l’Université et les Juifs, op. cit. p 40
[10] Boris SOUVARINE fut l’un des fondateurs du Parti Communiste français et son délégué auprès de la Troisième Internationale. Dès 1924, il s’oppose à STALINE lors de la querelle qui divise les successeurs de LENINE. Il signe de nombreux articles dans des bulletins et des périodiques à faible tirage, sous son nom ou des noms d’emprunt. Il est le fondateur, l’inspirateur, le rédacteur et l’éditorialiste de La Critique Sociale et du Contrat Social. Il est communiste révolutionnaire entre 1917 et 1923, communiste opposant et dissident entre 1924 et 1934 puis finalement anticommuniste. Voir Branko LAZITCH et Pierre RIGOULOT, Boris Souvarine, chronique du mensonge communiste, Editions Plon Commentaire, février 1998, 271 pp.
[11] Texte reproduit ci-contre
[12] Idem pp 48-49
[13] Certificat du Docteur L. STUHL, radiologiste des hôpitaux en date du 8 octobre 1940, " remis à Madame HAGNAUER pour joindre à l’appui d’une demande de réintégration en faveur de Monsieur HAGNAUER ", accompagné de " L’état des services de guerre du caporal HAGNAUER " en date du 14 octobre 1940.
[14] Voir document ci-contre, laissez-passer délivré au caporal Roger HAGNAUER, lui permettant de regagner son domicile à Gagny.
[15] D’après Claude SINGER, Vichy, l’Université et les Juifs, p 106-107 dans les sources qu’il a utilisées, apparaît un témoignage d’Yvonne et Roger HAGNAUER réalisé à Meudon, le 9 septembre 1984.
[16] A.M.E.S.
[17] Voir attestation page ci-après.
[18] Daprès une lettre de Roger HAGNAUER, A.M.E.S.
[19] Extrait d’un article écrit par Yvonne HAGNAUER et publié dans le journal L’école p 175-177, A.M.E.S.
[20] Yvonne HAGNAUER, Extrait de Des enfants dans leur maison, op. cit. .
[21] Témoignage de François BORDELAIS, Chartres, 1996
[22] Témoignage de Simone LEOPOLD née CHAPUT, Le Mesnil-Saint-Denis, 1996
[23] Article d’Yvonne HAGNAUER, Les étapes de la vie d’une maison 1941-1949, paru dans la revue L’école, 1949, pp 175-177
[24] Idem
[25] Article de Clara CANDIANI, Des enfants mutilés de l’âme…, Témoignage Chrétien, 1948.
[26] Notes biographiques de Roger HAGNAUER, A.M.E.S.
[27] Idem
[28] A.M.E.S.
[29] Notes biographiques rédigées par Roger HAGNAUER , A.M.E.S.
[30] Témoignage de Georges LOINGER, Paris, 16 décembre 1996.
[31] L’œuvre de la Guette dépendait des œuvres de la baronne Edouard De ROTHSCHILD. Mademoiselle BERNHEIM qui en est responsable, confie à Flore LOINGER en septembre 1939, la direction de l’œuvre de la Guette. Elle en est responsable jusqu’en décembre 1941, date à laquelle l’œuvre est dissoute en même temps que les autres.
[32] Extrait d’un entretien avec Georges LOINGER réalisé par Irène SAVIGNON-VALACHS des Enfants Cachés, le 17 mai 1983. Marcel MARCEAU est resté caché à Sèvres, où il occupait la fonction de moniteur. Il avait alors le totem de Kangourou.
[33] Témoignage d’Eva LANG née TUSCHNEIDER, Toronto, juillet-septembre 1997.
[34] Idem
[35] Témoignage de Thérèse MANESSI, Châtenay-Malabry, 25 janvier 1998.
[36] Entretien avec Freddy MENAHEM réalisé le 2 avril 1997
[37] Témoignage non daté adressé au Président de la sous-commission d’épuration, AM.E.S.
[38] Notes manuscrites de Roger HAGNAUER sur l’histoire de la Maison d’Enfants de Sèvres.
[39] Lettre de Monsieur NAUDIN adressée à Monsieur FAVIER en date du 12 septembre 1942, A.M.E.S.
[40] Notes biographiques de Roger HAGNAUER, A.M.E.S.
[41] Témoignage de Thérèse MANESSI, op. cit.
[42] Notes de Roger HAGNAUER sur l’historique de la Maison d’enfants de Sèvres, A.M.E.S.
[43] Notes biographiques d’Yvonne HAGNAUER sur la vie quotidienne à la maison de Sèvres.
[44] Notes biographiques d’Yvonne HAGNAUER sur la pédagogie à la maison de Sèvres en vue d’une réponse à un questionnaire du Comité de liaison du CLEN, le 6 mars 1972.
[45] Article d’Yvonne HAGNAUER, Les étapes de la vie d’une maison, extrait du journal L’école, 1949, pp 175-177
[46] Notes d’Yvonne HAGNAUER, A.M.E.S.
[47] Idem
[48] Extrait de Des enfants dans leur maison, brochure éditée par la Société des Amis de la Maison d’enfants de Sèvres à l’occasion du dixième anniversaire de la maison, 1951, A.M.E.S.
[49] Notes biographiques manuscrites rédigées par Roger HAGNAUER.
[50] Témoignage de Thérèse MANESSI, op. cit.
[51] Notes biographiques d’Yvonne HAGNAUER, A.M.E.S.
[52] Rapport d’inspection du général FAURY, 20 janvier 1944, A.M.E.S.
[53] Notes biographiques d’Yvonne HAGNAUER, A.M.E.S.
[54] Voir Jean-Pierre LE CROM, Syndicats nous voilà ! Vichy et le corporatisme, préface de Robert O’PAXTON, Les Editions Ouvrières, Paris, 1995, 410 pp.
[55] Paris fut libéré le 25 août 1944 par la 2ème D.B. du Général Leclerc.
[56] Témoignage de Thérèse MANESSI, op. cit.
[57] Musaraigne depuis 1945, texte écrit à l’occasion du vingtième anniversaire de la Maison d’enfants de Sèvres par l’ancienne secrétaire de la maison, brochure éditée par les Amis de la Maison d’Enfants de Sèvres.
[58] Notes biographiques de Roger HAGNAUER, A.M.E.S.
[59] Propos d’Yvonne HAGNAUER, in Des enfants dans leur maison, op. cit. A.M.E.S.
[60] Monsieur DAVID, inspecteur Général de l’Education Nationale, Directeur des Services de l’enseignementde la Seine, propos recueillis dans la brochure Des enfants dans leur maison, éditée par la Société des Amis de la Maison d’enfants de Sèvres à l’occasion du dixième anniversaire, A.M.E.S.
[61] Lettre de Suzanne KATENKA, A.M.E.S.
[62] La Petite République, émission réalisée par Etienne LALOU et Igor BARRERE, 28 septembre 1959, Archives Nationales de l’Audiovisuel.