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Lotta Hitschmanova

Retour à Lotta Hitschmanova - La voix de Lotta Hitschmanova - L'aide à la Maison de Sèvres par l'USCC - Mme Lotta va venir (le bol de riz)

Texte anglais Edité par l'Unitarian Service Comittee (Organisme de développement) Déc. 1985.

Extraits de l'ouvrage de Clyde Sanger - Pages 51-52-53 - (Traduit par Jean-Pierre Levin)

Des foyers au château

Dans le Nord de la France, le Dr. Lotta avait travaillé avec Mme Jo Tempi, une allemande engagée par Noël Field pour organiser le bureau parisien de l’USC qui avait traité vingt-huit chargements de vêtements en provenance du Canada (quelques quarante-six mille kilos), au cours de sa première année de travail. Mais elle trouva deux projets personnels dans le cadre du soutien Canadien. Ces projets consistaient à parrainer 128 enfants choqués par la guerre, à Sèvres, et 58 enfants meurtris par la même cause, à Villepatour.

Son contact avec la Maison d'Enfants de Sèvres se produisit presque par hasard, en juin 1947. Quelques heures seulement avant que Dr. Lotta ne s’embarque pour son deuxième voyage en Europe, quelqu'un du Conseil National du Film lui téléphona pour lui dire qu’on venait de recevoir un film insolite, "la République des Enfants," tourné par Madeleine Carroll, concernant une maison d’enfants, aux alentours de Paris, laquelle nécessitait un soutien financier. Souhaitait-elle y faire une visite ? Elle n’avait que peu de temps, mais elle nota l'adresse. A Paris elle passa près d’une matinée à chercher cet immeuble avant de trouver une grande maison délabrée qui avait été autrefois un château. Sa réception fut un peu brusque. Après une attente interminable, une femme extrêmement agitée apparut. C’était la directrice, Yvonne Hagnauer. Comme Lotta devait l’écrire de nombreuses années plus tard (dans les années 1980) : "Elle criait et m’insultait presque. Immédiatement je compris qu’elle avait désespérément besoin d’aide mais aussi qu’elle était lasse d’avoir été abandonnée tant et tant de fois."

Mme Hagnauer, voyant que le Dr. Lotta portait un uniforme fait dans le style d'une infirmière de l'armée américaine, eut ces mots : (*)

«Vous les Américains vous êtes tous les mêmes : vous venez et vous regardez, et ne faites rien. Et maintenant c'est la fin !"

(* - voir le texte d'Yvonne Hagnauer - L'aide à la Maison de Sèvres par l'USCC - note du webmestre)

Le Dr. Lotta l’informa de sa nationalité réelle et lui demanda l’autorisation de faire un tour. Elle apprit que les enfants provenaient de plus d’une douzaine de pays et que Mme Hagnauer avait risqué sa vie à préserver quelques enfants juifs pendant la guerre en opérant des mélanges dans les dortoirs au cours des recherches entreprises par les troupes allemandes. La raison de son désespoir ce jour là était que l'allocation offerte par enfant par le gouvernement était devenue tout à fait inadéquate. C'était juste assez pour une nourriture des plus basique. Comme un enfant le dira plus tard, "des pommes de terre et toujours des pommes de terre, à jamais."

Le Dr. Lotta fut gagnée par l'approche d’Yvonne Hagnauer, consistant à utiliser l’art sous toutes ses formes comme psychothérapie, face aux chocs terribles que les enfants avaient subis en temps de guerre. Ils avaient vu parents et amis tués ou déportés et les maisons bombardées. Elle poussait les enfants à peindre de belles choses comme les papillons et les fleurs, écrire ou copier de la poésie, apprendre la céramique ou le tissage, danser et jouer de la musique. Cela plu énormément à Lotta, faisant appel à son propre sens de la beauté et de la culture et Sèvres demeura son projet préféré pour lequel elle recruta des parents d’adoption canadiens jusqu'en 1980.

L’ USC fournit l'équipement, la nourriture et les vêtements des premiers jours et, en 1949, les enfants montaient un festival canadien avec Mme Vanier comme invitée d’honneur aux cotés du Dr. Lotta. Ils envoyèrent aussi des céramiques et un livre de leurs peintures à Ottawa qui furent montrés dans une exposition de l’USC, au magasin d’Ogilvy. Le Dr. Lotta appréciait énormément sa visite annuelle à Sèvres, pour la forte amitié qu’elle avait développée avec Mme Hagnauer et pour l'amour des enfants qui perdura jusqu'à leur adolescence.

Certains des enfants des premières heures réussirent dans d’excellents métiers. Parmi les jeunes filles qu’elle avait connues, l’une devint fonctionnaire, une autre secrétaire et la troisième infirmière. Puis une nouvelle génération d'enfants vint à la Maison de Sèvres. Des enfants qui n’avaient pas connu le traumatisme de la guerre mais avaient souffert d’autres tragédies. Ils lui ont toujours écrit ; des lettres de Noël enjolivées de tableaux de fleurs et parlant de promenades dans la proche forêt de Meudon. Dans les dernières années 1970, les enfants apprenaient tout sur les bûcherons et des gardes forestiers, et aussi du problème de la faim dans les pays en voie de développement. Ainsi le Dr. Lotta poursuivit ses visites annuelles pour encourager cette conscience étendue.

A Villepatour, les besoins étaient par trop visibles. Le foyer avait commencé sa mission en 1940 à l’initiative d’une femme énergique, la Baronne Malet qui, dans la confusion des armées avançant et reculant, réquisitionna simplement un château vieux mais spacieux, aux alentours de Paris. Avec l'aide de la Croix-rouge française, elle a commencé à rechercher les enfants blessés. Les cinquante-huit garçons et filles qu’abritait le foyer en 1947 avaient perdu un bras ou une jambe - quelques-uns avaient perdu les deux jambes - la plupart d'entre eux ayant été blessés par les bombes Alliées. Leur tranche d'âge allait de cinq à dix-huit ans.

Il n'y avait aucune source en France qui aurait pu fournir à ces enfants infirmes des prothèses réglables modernes.

Ainsi, en plus de l’approvisionnement en nourriture et en vêtements, le Dr. Lotta lança une campagne spéciale en septembre 1948 visant à collecter 150 $ pour chacun de ces enfants. Ceci leur permettant un voyage à l'Hôpital de Roermond près de Londres, et l'installation là-bas de leur prothèse. Cet appel produisit une réponse rapide des villes et des organisations Canadiennes. Saskatoon adressa 150 $ pour le bras artificiel de la première jeune fille, Mathilde Capp, âgée de dix-huit ans. Les Guides de Flin Flon collectèrent pour le fils de Janine Lemas, les jeunes d'Hamilton pour Serge Buckthorpe qui, à treize ans, avait été touché par une bombe. Des liens très personnels se tissèrent. L'institut des Femmes d’Alberta collecta quinze cent dollars et la Croix-rouge Junior Canadienne un montant identique. En sept mois, trente-cinq garçons et filles reçurent leurs prothèses et des projets étaient faits, pour que Villepatour emploie ses propres techniciens pour réparer et ajuster les prothèses sur place.

L'assistance pour cette réhabilitation alla plus loin : L’USC fournit au Dr. Bidou une machine spéciale pour le massage électrique de ses malades. Et, vers le milieu de 1949, une kinésithérapeute de l'hôpital des vétérans de Saskatoon, Ruth Mc Kinnon, se porta volontaire pour travailler à Villepatour. Une mère de Toronto et sa fille réunit mille dollars pour payer son séjour. Ce fut une tâche difficile pour Mademoiselle Mc Kinnon car l’hébergement était pénible et la maison étonnamment isolée. A son crédit, elle y demeura dix-huit mois. Mais au cours des quarante années d'opérations de l’USC, elle fut la seule des canadiens à être envoyée à l'étranger en assistance technique.

L'aide à Villepatour s’acheva en 1951, mais un film survit dans les archives d'Ottawa avec quelques scènes obsédantes : des jeunes filles sans bras déshabillant une poupée; un jeune garçon suspendu à une barre par son bras artificiel; des jeunes filles plus âgées pratiquant la sténographique en classe et écrivant de la main gauche parce qu'ils avaient perdu leur droite; une scène matinale de dortoir où des garçons s’entre aident à ajuster leur nouvelle prothèse. Le film ne comporte pas de commentaire, et n’en a pas besoin.

Clyde Sanger
Caravelle (lino)
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