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La valise de mon père 

13 septembre 2005. — Je suis le deuxième fils de Pierre Levi, négociant diamantaire à Paris et de Paulette Weil, décoratrice ; notre famille juive est intégrée dans la société française depuis plusieurs générations ; pendant la guerre nous avons quitté Paris et nous nous sommes réfugiés dans un premier temps à Avignon ; Papa a trouvé un emploi d’ouvrier agricole prés d’Avignon, pendant que Maman, Étienne, mon frère aîné de 4 ans, et moi nous nous réfugions en Savoie et changions de nom ; Papa était arrêté par les allemands en avril 43 à la gare d’Avignon, puis via Drancy, déporté à Auschwitz dont il ne devait pas revenir.

Lorsque l’idée du mur des noms au Mémorial de la Shoah s’est matérialisée, mon frère et moi avons fait les démarches pour que Papa y figure.

En février 2005, quelques mois après la disparition de mon frère, avec ma deuxième fille, Claire, et mon gendre, Mika, nous décidons d’aller visiter le mur des noms ; dans une atmosphère à la fois recueillie et pleine de ferveur, nous trouvons le nom de Papa, puis descendons visiter l’exposition permanente du Mémorial ; que d’émotions devant tous ces objets, photos, souvenirs,….Claire vient alors me chercher pour me montrer une vitrine que je n’avais pas remarquée ; dans cette vitrine une valise, prêtée par le Musée d’État d’Auschwitz, et ayant appartenue, selon l’étiquette, à Pierre Levi.

Notre émotion à tous fut très vive ; après vérification auprès du Mémorial, un seul Pierre Levi, déporté à Auschwitz ; c’est bien la valise de Papa.

En accord avec la direction du Mémorial, j’ai alors exprimé le souhait que cette valise puisse rester en France et être exposée au Mémorial.

La direction du Mémorial m’a alors fait comprendre qu’elle prenait en charge les négociations avec le Musée d’Auschwitz, et que cela serait très difficile ; effectivement, après une réunion à Varsovie, différents contacts en particulier avec l’ambassadeur de Pologne en France, Mme Simone Veil, M. Serge Klarsfeld, et d’autres intervenants, nous avons obtenu pour le moment une prolongation du prêt jusqu’en janvier 2006, première réaction…

Nous tentons maintenant d’obtenir le prêt permanent de cette valise pour qu’elle puisse rester en France au Mémorial.

Cette valise est un lien fort avec toutes les émotions qu’elle a pu cristalliser, emmagasiner, toutes les pensées de Papa que je peux imaginer ou sentir ; et le résultat de la démarche est moins essentiel que ce lien que j’ai pu renouer

Cet évènement, véritable « clin d’œil », me semble souligner le travail que j’ai entrepris avec la psychogénéalogie familiale : plusieurs mois après un premier week-end j’ai donné corps à une idée qui me trottait dans la tête de reprendre mon nom de naissance et ainsi de me rapprocher de ma lignée paternelle ; puis peu à peu je me suis permis de voir, écouter et donner place à ma souffrance liée à l’absence de mon père, d’en comprendre et sentir les conséquences que cela a eu pour ma vie d’homme, ainsi que pour mon frère et pour l’ensemble du système familial ; je sais que ce travail de réparation n’est pas achevé, je laisse faire mon inconscient avec confiance, et remonter les bulles qu’il m’envoie,…champagne de l’âme.. ?

Michel Leleu

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Caravelle (lino)