Sommaire

ROGER HAGNAUER

A propos des activités d'éveil

III - La promotion des élèves du Technique

Mais cette activité multiple, aux effets culturels et pratiques, n'est pas réservée à cette... « élite » scolaire de 3e et de 4e. Fixation du Centre d'Intérêt en accord avec les élèves, visites, voyages, travaux, résultats scolaires... nous retrouvons le même processus dans les classes dites « techniques », dont le recrutement, au départ, ressemble beaucoup à celui des classes de transition. Du même bulletin, nous tirons un article révélateur de Mme Odette Bonijol chargée de l'enseignement général dans ces classes.

A la suite d'un débat avec les élèves, nous avons décidé d'un commun accord une visite au 22e Salon des Métiers d'art de la porte de Versailles. Ce fut un point de départ fulgurant ! Au retour, marteau en main, idées en tête, chacune a manifesté le profond désir de réaliser à son tour un petit objet d'inspiration personnelle avec les matériaux les plus divers : bouchons, plumes, tissus, clous, feutrine, sable, etc.

Le Centre d'Intérêt naissait peu à peu et le titre: De l'artisanat à la chaîne industrielle fut favorablement accueilli. Ce thème nous convenait parfaitement puisqu'il motivait et illustrait la profession ; de plus, il permettait des réalisations manuelles artistiques aussi bien qu'un travail de couture industrielle, Il répondait donc à l'alliance main-esprit et ouvrait la liaison classe-atelier.

Une réunion de travail élèves-professeurs permit d'ébaucher le canevas du travail qui s'étalerait sur toute une année. Il fut décidé des trois grandes étapes qui partirait de notre Centre d'Intérêt :

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- artisanat primitif,

- histoire et évolution de l'artisanat. - travail industriel.

a) L'ARTISANAT PRIMITIF :

Trois visites au Musée de l'Homme éclairent déjà ce point. Nous avons choisi l'artisanat africain parce que c'est le continent le plus riche dans ce domaine et aussi et surtout parce qu'il est inscrit au programme de géographie des collèges techniques, Ces visites, suivies de comptes rendus, ont permis des réalisations artisanales et même artistiques telles que poteries, tissages, tapisseries, peinture sur tissus, masques, gravures sur bois, et un travail collectif : le cavalier caparaçonné du Musée de l'Homme (échelle un demi), armure matelassée - des lanciers de l'armée des sultans du Niger (photo).

b) DE L'ARTISANAT PRIMITIF A L'ARTISANAT CONTEMPORAIN :

Deux visites chez les artisans parisiens nous ont éclairées sur les modifications et les changements de méthodes de travail, aussi sur l'élargissement de la gamme des matériaux utilisés et des objets façonnés, M. Glazer, dinandier, dans le quartier Saint-Germain, nous a ouvert les portes de son atelier blotti au fond d'une belle vieille cour et nous a livré ses secrets. Il frappait de nombreux métaux, cuivre, étain, et d'extraordinaires alliages aux couleurs mordorées pour en faire naître des plats, des bijoux, des lampes ou des bas-reliefs et des fresques. Il nous a surtout enseigné qu'il participait tout entier à l'élaboration d'une œuvre et que ses mains n'étaient que les instruments, les outils de son cœur et de son esprit, de ses désirs et de son imagination,

Enfin nous terminions cette seconde partie en apothéose par un voyage, à Bruges. Oh! que de merveilleux souvenirs, d'inoubliables promenades, que de beauté et de sérénité habitent cette ville. Nous avions jeté notre dévolu sur « la célèbre Venise du Nord », car nous savions que le climat, l'atmosphère des calmes villes d'autrefois n'y étaient pas altérés. Nous savions que le cœur de la ville avait résisté à la trépidation du mouvement incessant et à la folle animation des cités modernes. Nous ne fûmes pas déçues ; visite du béguinage (respectueuse et emplie de recueillement), promenade en barques sur les canaux, notes pures des carillons cristallins du beffroi

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que le sonneur a mis en branle pour nous, et enfin admiration profonde pour l'envol des fuseaux bondissant de doigt en doigt avec une dextérité prodigieuse...

c) LE TRAVAIL INDUSTRIEL:

Une visite aux établissements « Weill » illustre d'une façon très vivante les techniques modernes de la confection.

A l'atelier sera réalisée une chaîne de travail pour monter un tablier.

Ce thème nous a conduites à une étroite collaboration entre atelier de couture industrielle, atelier de tissage, cours de dessin et classe.

1° A l'atelier de tissage ont été réalisés des tapisseries, un tapis, des broderies, les peintures sur tissus, les masques, un métier à tisser primitif.

2° A l'atelier de couture et dans le cadre du programme ont été mis en place la chaîne de montage d'un vêtement et le caparaçon, œuvre à laquelle chacune a participé en travaillant deux petits carrés matelassés assemblés puis montés.

3° En dessin, des reproductions de tableaux de maîtres ont contribué à l'enrichissement et à la décoration de notre exposition de fin d'année : les modistes, les repasseuses, les blanchisseuses de Degas, le tisserand de Van Gogh, la dentellière de Vermeer, le semeur de Van Gogh d'après Millet et les faneuses de Gauguin.

4° En classe ont été faits les mises au point et comptes rendus de visites, et dans le cadre des programmes officiels :

Géographie et histoire :

- l'Afrique à travers les temps, l'histoire des travailleurs d'après Les Compagnons du Tour de France d'Agricol Perdiguier ;

- l'étude de textes traitant d'artisans et de leur travail ainsi que d'ateliers de confection ;

- un peintre sur porcelaine d'Henry Poulaille ;

- un sabotier de Charles-Louis Philippe ;

- « Aux travailleurs » d'Emile Verhaeren ;

- l'atelier de Marie-Claire, de Marguerite Audoux ;

- une présentation de mode d'après Pierre Gerber.

En composition française notre éventail s'élargit :

- description d'objets admirés chez les artisans ;

- description de la ville, des maisons ;

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- portrait de l'homme au travail et celui de la dentellière ;

- dialogues :entre un artisan et un industriel, entre la couturière et sa cliente ;

- lettres de remerciements à la suite des visites.

Le programme de Législation se trouvait illustré d'une manière très vivante. La visite de différents ateliers dans les entreprises d'importance variable nous a conduites aux notions de comités d'entreprise, de délégués du personnel, de syndicats, de salaires et des lois sociales.

En mathématiques, le centre d'intérêt nous a permis d'aborder plus facilement la comptabilité de l'artisan, la tenue des comptes, les impôts, les problèmes se rapportant à la vente et aux pourcentages ainsi que les tarifs S.N.C.F. et l'étude des distances à l'échelle. (Bulletin de la Société des Amis de mars 1969.)

Conduites par Mme Bonijol, Mlle Rose-Marie Chapelle (professeur de coupe), Simone Léopold (une ancienne de la Maison, aujourd'hui professeur de tissage), ces jeunes filles du « technique » ont entrepris d'autres voyages, relatés dans d'autres comptes rendus.

A Lille, elles visitèrent:

- un atelier de tissage;

- un atelier de confection.

A Beauvais, elles se rendirent dans une grande fabrique de tapis. Au Plessis-Belleville, elles prirent contact avec la Coopérative linière et une conserverie de fruits et légumes.

Elles ramenèrent de ces différents déplacements de nombreux détails techniques, des croquis, des échantillons de matière textile, etc., le tout en rapport direct avec leur programme de technologie. Mais elles observèrent aussi et comprirent mieux la vie en atelier, elles virent la différence entre le travail encore presque artisanal de la confection du tapis et l'activité étourdissante des grandes industries textiles ;

« Nous avons été surprises par le calme régnant dans cette salle... six métiers en bois blanc meublaient la pièce, dont quatre étaient en service. Ils étaient plus larges que hauts, et leur architecture était des plus simples... Le personnel était composé de six ouvrières, réparties sur cinq métiers. La sixième, chef d'atelier,

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coupait en « taille douce »... Une ouvrière qualifiée exécute en moyenne 1 920 points noués par jour, autrement dit « points de Beauvais... ».

Le travail à Lille est différent :

« ... Pourtant le bien-être n'habitait pas ces lieux, la poussière, l'humidité, le bruit des machines, des moteurs, rendaient les locaux inhospitaliers. Le travail des ouvriers nous a paru dur, ils avaient tous plusieurs machines à surveiller et devaient toujours se trouver le plus rapidement possible devant l'appareil en dérangement... » (Bulletin de la Société des Amis de décembre 1965.)

Cette année, avec les mêmes guides, nos jeunes filles ont effectué, du 3 au 8 mars 1969. un voyage à Lyon, marqué par les étapes suivantes :

Tour de la ville de Lyon. Palais de la Foire. Visite du lycée technique. Musée des Tissus. Promenade dans Lyon illuminé. Hôtel de Ville. Théâtre des Célestins. Confluent de la Saône et du Rhône. Les installations portuaires. Le quartier de Vaise (Xl/le siècle). Le pont de la Guillotière. Visite de l'usine Texunion à Saint-Pierre-de-Bœuf dans l'Isère. Visite de Lyon. Musée de la Machine à coudre. Colline de la Croix-Rousse (1).

Depuis leur retour, elles s'emploient à organiser l'exposition des travaux qui porteront témoignage des résultats de leur classe itinérante.

Si j'insiste sur cette activité des « techniques », c'est qu'il n'est pas de justification plus éclatante de la conception des « classes de transition » et des disciplines d'éveil. L'échec scolaire décida trop souvent de leur recrutement. L'hostilité à toute activité purement scolaire incite souvent des familles à placer là des enfants qui n'ont pas achevé leur scolarité obligatoire et qui, pour un assez grand nombre d'entre elles, n'ont connu la Maison de Sèvres qu'à la fin des « études primaires ». On ne peut leur offrir qu'un apprentissage, efficace certes, mais d'une portée limitée. C'est rarement d'ailleurs la conséquence d'un choix délibéré. Celles qui ont été recueillies à la Maison à la fin de la seconde enfance subis-

(1) Le 25 juin 1969 les classes techniques ont exposé publiquement les résultats de ce voyage. Les jeunes filles ont acquis l'assurance nécessaire pour parler de ce qu'elles ont vu et fait. Et ce qu'elles ont rapporté, ce qu'elles ont imaginé ou réalisé prouvait une qualité artistique incontestable.

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sent de redoutables complexes, effets de troubles familiaux (parfois tragiques, souvent inavouables, toujours traumatisants), beaucoup plus que des déficiences intellectuelles. Certaines, heureusement très rares, restèrent, jusqu'à leur puberté, imperméables au climat salutaire d'une collectivité qui ne ressemble en rien aux tristes internats d'autrefois (qui n'ont d'ailleurs pas tous disparu), On pouvait se résigner, se décourager, se désespérer...

L'éveil s'est presque toujours produit. Comment ? Par un... « je-ne-sais-quoi »... qui échappe à toute définition précise. Sans doute la Maison fut-elle privilégiée par la sensibilité, la culture et le rayonnement d'institutrices et de professeurs qui découvrirent là leur véritable vocation, sans réclamer ces stages de formation ou de « recyclage »... utiles peut-être mais qui ne fabriqueront jamais artificiellement ce que crée spontanément « l'intelligence du cœur ».

L'éveil n'est possible que dans une atmosphère de confiance. Et il est soumis, au départ, à deux conditions plus simples à formuler qu'à pratiquer. D'abord, admettre l'activité manuelle, comme moyen d'expression et de communication, au même titre que la parole et l'écrit. Ensuite attacher de l'importance à toutes les réalisations des élèves, prendre au sérieux aussi bien leurs créations achevées que leurs « bricolages » imparfaits.

Tout ici aboutit à un objet. Et ce tout comporte souvent une aspiration toujours volontaire et personnelle, souvent enthousiaste, vers la Beauté la plus rare et la plus désintéressée. Et ce que l'on admire d'un cœur pur, on veut le reproduire par tous les moyens. On a réalisé des mosaïques romaines avec des coquilles d'œufs, des carrés de plâtre avec des pâtes alimentaires, on a rassemblé des graines de toutes sortes en tableaux décoratifs, on a utilisé des feutrines pour copier des tableaux de maître. Dans la relation des voyages, on a pu déjà remarquer : l'apothéose de Bruges ; les références aux œuvres de Degas, de Van Gogh, de Vermeer, de Gauguin... aussi d'Agricol Perdiguier, d'Henri Poulaille, de Charles-Louis Philippe, d'Emile Verhaeren, de Marguerite Audoux, Je sais que le voyage à Lyon a été préparé avec des textes de notre vieux maître l'historien Henri Hauser, de Henri Béraud; que nos enfants ont découvert le folklore lyonnais et qu'elles connaissent les chants des canuts, et particulièrement celui qui soulevait, en 1833, la foule appelée par l'héroïque devise : Vivre en travaillant ou mourir en combattant.

On nous répétera que ces voyages demeurent un luxe dont on ne peut jouir dans toutes les écoles, Mais sans quitter Paris et

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sa banlieue, on nous a offert dans le passé les plus nobles satisfactions, dans ces classes d'humbles ouvrières. On a monté en jeu dramatique la Princesse de Clèves, avec des costumes d'époque parfaitement reproduits. Nous avons vu, au cours d'expositions, des costumes du XVIIIe siècle, et des personnages typiques du Bonheur des Dames d'Emile Zola... antérieurement une technique avait fabriqué en céramique des dames de La Comédie humaine de Balzac. Une équipe avait copié, avec une rigoureuse exactitude. l'admirable Dame à la licorne du Musée de Cluny.

Il y a longtemps déjà, encore en activité, j'avais conduit des élèves de mon collège devant certaines remarquables concentrations d'activités et d'acquisitions, autour de centres d'intérêt particuliers : la laine, le coton, la soie... Ce n'était pas là une idée nouvelle. Mais le bouleversement des études historiques, géographiques, scientifiques, implicitement formulé, ne fut - à ma connaissance - jamais appliqué qu'ici. C'est cependant la meilleure méthode pour briser, dans la connaissance du monde, l'artificielle spécialisation des genres ; pour échapper aux impératifs des lieux et temps strictement localisés. Il est foncièrement absurde d'étudier la géographie sans référence à l'histoire, l'histoire sans référence à la géographie. Tout aussi absurde de se limiter à une géographie ou une histoire nationales, ou à une géographie continentale et à une histoire fractionnée par siècles, alors que les phénomènes physiques, les transformations techniques, les mouvements économiques ne dépendent ni des frontières naturelles ou politiques, ni du fractionnement chronologique.

L'étude du milieu localise le point de départ exclusivement. La concentration autour d'une « matière première » essentielle favorise cet éclairage instructif, édifiant, exaltant, de la peine des hommes de toutes les races et de tous les temps, de l'effort humain.

Et naturellement, les arts - tous les arts -, la poésie, la littérature prennent leur place au sommet ou aux flancs du monument patiemment édifié.

C'est dans le même esprit que l'on a renouvelé l'enseignement ménager, obligatoire (auquel d'ailleurs garçons et filles sont associés). L'histoire de la puériculture, les spécialisations gastronomiques, l'hygiène alimentaire... se dégagent des recettes et conseils offerts jusque-là aux futures ménagères... Mais le thé, le café, les épices, le sucre... ont leur histoire et leur localisation géographique. Nous évoquions Mme de Sévigné en suivant jusqu'à son origine:

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une vulgaire boîte de thon. Pourquoi ne pas contempler, au café Procope, le fauteuil de Voltaire ? Et réhabiliter Pierre Loti - il le mérite bien - en examinant un sachet de thé d'Extrême-Orient ?

C'est encorc dans le même esprit que, guidés par Mme Edwige Djourno (encore une ancienne devenue professeur de lettres), les élèves dc 5e ont composé des panneaux sur : la civilisation du riz, celle du manioc, celle du mil, celle du blé...

L'éveil des petits et l'originalité des pré-adolescents

Il est cependant quelques aspects de l'œuvre sur lesquels nous voulons insister.

D'abord sur l'éveil. Nous avons dit que les meilleurs artisans de l'école active n'apprécient guère cette « irruption » de l'éveil à la fin de la scolarité primaire. Ils ont tort, car les instructions de 1963 portent un hommage implicite à leurs initiatives et à leurs expériences.

Mais l'unité profonde de la collectivité du jardin d'enfants à la 3e prouve en effet qu'éveils et réveils se succèdent, normalement, au cours de la croissance.

Au seuil de la vie scolaire, les petits sont entraînés dans le mouvement autour du centre d'intérêt annuel. Nous ne résistons pas au plaisir de citer encore un exposé de Mme Monique Droual, institutrice au jardin d'enfants...

Cette année-là, le thème unique était: Défense et protection de la vie.

A partir de la prise de conscience des gestes indispensables de la vie quotidienne, nous avons fait une série d'expériences en allant à la découverte du « pourquoi » et du « comment » de ces gestes.

Ces expériences avaient pour but d'introduire les enfants aux nécessités imposées par les phénomènes naturels et les milieux, et à ce qu'elles impliquent autour d'eux de mouvements, de travail, de difficultés... et aussi de joie, de poésie et de respect.

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Pendant Le premier trimestre, nous adaptons les enfants au nouveau milieu dans lequel ils se trouvent: découverte de ce qui les entoure et prise de conscience du rythme de vie, initiation à nos méthodes de travail...

La rentrée de janvier se situant dans une période particulièrement froide (neige dans le parc, glace dans les rues), les enfants expriment leurs sensations, nous leur faisons faire de nombreuses observations et des expériences. Les classes-promenades autour de l'école, dans les magasins… font découvrir aux enfants que le froid motive une vie de l'hiver (la circulation des voitures, le gel au marché, les vêtements, le chauffage, les sports d'hiver...). Après la récréation, les enfants aiment à se blottir près des radiateurs.

D'où vient cette chaleur ? Nous profitons d'une livraison de charbon pour faire descendre les enfants à la cave afin d'observer les chaudières et les tuyauteries.

Dans les magasins, nous avons vu de nombreux vêtements... nous avons éveillé la curiosité des enfants qui ont voulu savoir d'où venaient ces vêtements et comment ils étaient faits. A la Maison de Sèvres nous avions la possibilité de leur montrer l'atelier de couture et de tissage, Les enfants ont été très intéressés et ont voulu, eux aussi, coudre, tricoter... Ce qui a donné lieu à de nombreuses activités manuelles...

Nous avions aussi remarqué qu'il était à la fois bon et nécessaire de manger et de boire chaud, A' l'occasion de la « Chandeleur », nous avons fait des crêpes. Nous avons amené les enfants à prendre conscience que pour vivre il fallait aussi se nourrir. Pour soutenir leur intérêt, nous avons choisi un conte qui a motivé nos classes-promenades et nos activités.

Nous avons suivi dans sa cuisine, au marché, dans les boutiques d'alimentation, un jeune cuisinier, entraîné dans une suite de péripéties...

Nous avons visité la cuisine de l'école que certains ont comparée à la cuisine de leur maman, Nous y avons vu la préparation des repas. Nous avons composé des menus avec les enfants. Nous avons classé des produits et nous avons cherché dans quelles boutiques on les trouve afin de préparer nous aussi un repas. Nous nous sommes rendus au marché pour acheter les différents aliments nécessaires. Les enfants ont fait une soupe, des omelettes, des gâteaux à l'occasion des anniversaires.

D'où viennent ces aliments ? Nous constatons qu'ils ont des origines très différentes, nous nous limitons avec les enfants aux pro-

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duits de la terre et de la ferme. A la ferme de Vélizy, nous visitons les étables, les écuries et les hangars avec différentes machines agricoles. Le fermier explique aux enfants comment il cultive la terre et comment il fait ses récoltes...

Nous mangeons pour rester en bonne santé. Au début du troisième trimestre, les enfants sont pesés, mesurés, passent une visite médicale, radiologique... Nous en profitons pour faire prendre conscience aux enfants de leur corps (par le langage, par des exercices sensoriels, par des exercices physiques), de ce que sont la santé et la maladie et ce qu'il faut faire pour se soigner (les enfants vont souvent à l'infirmerie et quelques-uns sont allés à l'hôpital) et leur donner quelques notions d'hygiène.

Mais il n'y a pas que notre vie à préserver. Il y a aussi celle des plantes et des animaux.

C'est le printemps.. nous observons autour de nous tout ce qui pousse (les bourgeons, les fleurs).

Pour observer leur croissance, nous faisons germer dans la classe, haricots, petits pois, lentilles. Nous les mesurons...

Ajoutons simplement que ces petits bénéficient aussi de promenades qui peuvent les entraîner dans Paris et même hors de Paris, jusqu'à Rouen. Mais ils accomplissent aussi ce que le Candide de Voltaire considérait comme le signe de la sagesse: ils cultivent leur jardin, chacun ayant son « carré limité sinon clos ».

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Ensuite sur l'importance des activités... que l'on qualifie quelquefois de marginales, ce qui nous paraît abusif, car elles occupent au contraire une place essentielle dans les disciplines d'éveil. Et, puisque cette servitude existe encore, elles sont associées étroitement à l'exécution du programme de chaque classe. Je les énumère simplement: tissage, céramique, imprimerie, dessin, musique, gymnastique, jeux dramatiques, marionnettes, danse folklorique, etc. Mais cela suppose une collaboration constante entre les éducateurs chargés de l'enseignement général, ceux des enseignements spéciaux, celles chargées de l'encadrement des internes. C'est peut-être la condition la plus difficile à réaliser.

Un des succès - des plus significatifs - de notre Maison, c'est qu'elle a formé de nombreux enseignants et surtout peut-être

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que sont sorties de ces classes techniques huit professeurs d'enseignement professionnel et d'enseignement spécial.

Nous en avons cité déjà une d'entre elles. Une autre: Mme Gisèle Debain, apprentie, puis ouvrière qualifiée à la Manufacture de Sèvres, revenait le soir à la Maison pour initier ses jeunes camarades à la découverte du modelage et aux mille créations que l'on peut faire. La voilà aujourd'hui professeur dans ce même atelier. Avec une charmante sincérité, elle a avoué « qu'il y a vingt ans elle avait refusé d'assister au cours de céramique ». Elle aurait pu ajouter qu'elle souffrait, elle aussi, à ce moment-là, d'une opposition « subconsciente » à tout travail scolaire et qu'elle se croyait condamnée à une existence médiocre et humiliante.

On ne le croirait pas en la rencontrant aujourd'hui: épouse et maman heureuse, professeur... « fière de dire à mes élèves que j'étais à leur place, il y a quelques années, que j'ai eu les mêmes problèmes qu'eux et qu'un refus est peut-être la source d'un nouveau départ ».. ..

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Cependant cette collaboration des activités scolaires et des ateliers libres apparaît nettement dans un compte rendu de Mlle Fuzelier, professeur de C.E.G. en 6e et 5e (bulletin de mars 1969) :

Je rentrais en septembre 1965 d'un voyage en Egypte. Notre centre d'intérêt annuel était « Défense et Protection de la vie », Pourquoi ne pas étudier (en liaison avec le programme de 6e et même de « F.E.P. » cette année-là) la religion égyptienne conçue pour nier la mort et défendre l'individu contre toute destruction. Les enfants, enthousiasmés par la découverte, au cours d'histoire, des civilisations antiques, acceptèrent volontiers cette idée.

Nous, adultes, discutions, amassions des documents, les mettions en commun :

- manuels d'histoire variés ;

- documents rapportés d'Egypte à la suite de mon voyage ;

- un livre de l'U.N,E.S.C.O. : peintures et fresques des tombeaux, procuré par le professeur de dessin ;

- de plus nous allâmes plusieurs fois au musée du Louvre.

Notre professeur de modelage nous accompagnait, imaginant des réalisations possibles, corrigeant quelques maladresses sur un cro-quis d'enfant.

Caravelle (lino)