Sommaire

ROGER HAGNAUER

A propos des activités d'éveil

(Comptes rendus d'expériences)

Les sollicitations de l'actualité.

Il ne nous échappe pas que notre « mot d'ordre » : l'école hors de l'école ne sera pas adopté facilement - qu'on lui opposera de sérieuses contestations pédagogiques et pratiques. Nous n'y répondrons que par la relation de résultats obtenus, dont certains se passeront de commentaires. Mais il est des objections qui s'inspirent de la définition même des « disciplines d'éveil » par laquelle on les oppose à l'acquisition ou la consolidation didactiques de notions historiques, géographiques ou scientifiques. Le spécialiste peut transparaître sous le maître « éveilleur et guide ». « L'étude du milieu » peut dévier vers une spécialisation purement géographique. L'intervention de la toponymie oriente les « classes-promenades » vers les gouffres de l'érudition historique ou vers les hasards fantaisistes des jeux radiodiffusés ou télévisé…

C'est au contraire le refus de toute spécialisation qui détermine la tendance des cheminements hors de l'école. Si j'osais proposer une formule capable d'exprimer le but de toutes les initiations à l'école, je me contenterais peut-être de celle-ci : la loi de la vie est le changement. Ce qui impose de chercher dans l'actualité tout ce qui change sous nos yeux et surtout de démontrer concrètement aux enfants qu'ils peuvent et doivent participer à ce changement. L'école active ne traduit-elle pas cette primauté de l'action proclamée aussi bien par Gœthe : « Au commencement était l'action » que par Karl Marx : « Il ne s'agit plus de comprendre le monde mais de le transformer »... et par Henri Bergson , « Si nous pouvions nous

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dépouiller de tout orgueil, nous ne dirions peut-être pas Homo Sapiens, mais Homo Faber. »

Le milieu rural nous offre constamment l'image de la lutte de l'homme contre la nature. L'Egypte n'est pas un don du Nil. C'est aux Egyptiens que le Nil a porté l'eau et la terre pour qu'ils réalisent, par leur effort, une agriculture féconde.

Le milieu urbain offre constamment l'image de la lutte de l'homme d'aujourd'hui contre les institutions archaïques. Et toutes les disciplines scientifiques ou littéraires prennent place dans l'initiation ou la participation à toutes les transformations. Et l'Homme se présente à nous comme un devenir autant qu'un souvenir.

On ne redoute aucune spécialisation lorsqu'on obéit à cette tendance fondamentale. Et l'actualité peut « éveiller» les curiosités et les activités les plus rentables. En voici quelques exemples :

Le mot grève a aujourd'hui une résonance universelle. Chaque jour on l'entend à la radio ou on le lit dans le journal. Cependant nos élèves savent tous que ce mot désigne aussi une plage de sable et de gravier. L'un d'eux nous porte une carte postale représentant la grève où il s'amusa pendant les vacances. Une promenade sur la place de l'Hôtel de Ville, des gravures montrant son passé : la place de Grève, l'évocation des compagnons sans travail attendant, l'embauche sur cette place, faisant la Grève… et nous sentons comment le prestige parisien a imposé le mot « grève » à la place des vieux termes de takehan et de tric...

Mais l'actualité nous offre cette année une mutation beaucoup plus significative et qui - quoique parisienne à l'origine - intéresse certainement tous les Français: c'est le transfert à Rungis du Marché d'intérêt national et la suppression des Halles de Paris.

Nous avons collaboré à la préparation de véritables « monographies» sur cette importante transformation, tant à la Maison de Sèvres que dans d'autres établissements. Quel pouvait en être le plan ?

1° Une classe-promenade aux Halles de Paris, avant leur clôture, avec enquêtes sur le fonctionnement des différents commerces, « interviews » de marchands, de clients, de mandataires (il fallait partir à une heure « indue »… 5 heures du matin - ce qui était évidemment relativement facile dans un internat.

2° Le plan actuel des Halles dressé par une équipe.

3° Des calculs sur les besoins, les tonnages, les prix, peut-être les profits et les salaires.

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4° L'étude du plan et de la description du « quartier des Halles » tel qu'il est présenté dans la « Description de Paris et de ses faubourgs », planches gravées et imprimées en 1714 par Jean de la Caille (imprimeur de la police).

On y voit, selon la division de Paris constituée par un édit royal de 1702, le quartier enserré entre les quartiers de Saint-Denis au nord (de la rue Saint-Denis), de Saint-Eustache à l'ouest, de Saint-Jacques-de-la-Boucherie à l'est, de Sainte-Opportune au sud. Nous pouvons regrouper les quartiers de Saint-Eustache et des Halles.

Une comparaison avec le plan actuel montre l'importance des réalisations d'urbanisme dirigées par Haussmann.

Sous le réseau actuel des rues, nous pouvons découvrir en filigrane : les rues des Bons-Enfants - Neuve-des-Bons-Enfants…

touchant l'actuelle rue des Petits-Champs -, la rue du Bout-du-Monde entre nos rues actuelles de Montmartre et Montorgueil, les rues Coquillière, du Four, du Jour, Traînée, des Poulies, des Deux-Ecus, du Pélican, de Verdelet -, des Vieilles-Estuves, des Vieux-Augustins…

Et dans le quartier des Halles : les rues Au-Lard, Au-Fer, de la Chanverrerie, de la Chausseterie ou Petite-Friperie, de la Cordonnerie, de la Cossonnerie, de l'Echaudé, de la Fromagerie, de la Lingerie ou Gantine, Merderet ou Verderet, de la Tonnellerie, des Piliers-d'Etain, de la Poterie, des Prescheurs, de la Truanderie…, etc.

5° Une documentation éclairant l'évolution des Halles depuis leur fondation au XIe siècle, sur le territoire des" Champeaux, jusqu'à 1714.

6° L'utilisation d'extraits littéraires, particu1ièrement du Ventre de Paris d'Emile Zola.

Notons que ce plan fut établi avec la collaboration des élèves, et qu'aucune leçon magistrale ne développa l'un des chapitres de cette monographie; composée exclusivement par les recherches, la docu-mentation orientée et les travaux des élèves~ Nous n'avons voulu que répondre aux questions posées, indiquer des références, procu-rer des documents.

Mais laissant le point de départ, nous nous sommes portés sur le point d'arrivée : Rungis.

Nous avons tiré de notre bibliothèque les six tomes d'une œuvre composée en 1838 : Histoire physique, civile et morale des

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environs de Paris de J.-A. Dulaure, à peu près introuvable aujourd'hui. Voici ce qu'on y a recueilli sur Rungis :

... Village situé sur la rive droite et à peu de distance de la route de Fontainebleau, à une lieue un quart au sud de Villejuif et à deux lieues trois quarts au sud de Paris.

Le village de Rungis n'est connu que depuis 1124. Une charte de Sainte-Geneviève fait connaître que, cette année, le roi Louis IV donna à Etienne, doyen du chapitre de Paris, la voirie de Rungi villa ; et une bulle d'A lexandre III, de 1163, porte confirmation de tous les biens de l'église de Rungiacum. Ainsi, au XIIe siècle, Rungis était déjà un village.

Rungis devint surtout fameux lors de la construction de l'aqueduc d' Arcueil.

La partie méridionale de Paris manquait de fontaines , le ministre Sully ordonna, en 1609, que des tranchées seraient faites dans la plaine de Long-Boyau, du côté de Rungis, afin d'y découvrir les eaux que les Romains avaient conduites au palais des Thermes. La mort d'Henri IV arrêta l'exécution de ce projet. Marie de Médicis, veuve de ce roi, voulant procurer des eaux au palais du Luxembourg et aux jardins qu'elle se proposait d'y construire, fit, dès l'an 1642, faire des recherches dans le même lieu. Jean Coing, maître maçon, fut chargé de l'entreprise, et l'architecte Jacques Desbrosses, de la direction et des dessins de l'aqueduc, dont la première pierre fut posée le 17 juillet 1613~ Par cet aqueduc, dont une partie traverse le vallon d'Arcueil sur vingt-quatre arches, ouvrage digne des Romains, les eaux découvertes à Rungis arrivèrent au Luxembourg, et alimentèrent plusieurs fontaines de la partie méridionale de Paris.

Le cardinal de Richelieu avait à Rungis deux maisons de campagne, il fit cadeau de l'une des deux à l'un de ses protégés, le poète Guillaume Colletet.

Rungis n'offre rien de remarquable.

D'ouvrages plus récents, de prospections dans les archives de la ville, on a découvert des informations rectifiant ou complétant celles du vieux Dulaure.

Rungis est qualifié de dernière commune rurale de l'ancien département de la Seine. Quoiqu'elle se trouve à plus de trois lieues de Paris, elle fut annexée au département de la Seine, par l'Assemblée constituante en 1791. en compensation de l'annexion au départe-

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ment de Seine-et-Oise des communes de Sèvres, Saint-Cloud et Meudon sur la route de Versailles.

Les deux vallées de la Seine et de la Bièvre sont séparées par un plateau où s'est creusée une cuvette recueillant les eaux de la région. Rungis est au centre de cette cuvette.

C'est là en effet que les Romains construisirent un aqueduc (la rue des Sources conserve deux constructions, témoignages des travaux du XVIIe siècle).

Le territoire de la commune jusqu'à la Révolution était partagé entre différentes communautés religieuses. L'abbaye de Sainte-Geneviève, suzeraine du lieu, y faisait régner une justice rigoureuse (une femme en 1302 fut enterrée vivante pour avoir volé quelques vêtements et bijoux).

D'autres fiefs appartenaient au chapitre Notre-Dame, à l'abbaye de Saint-Victor, à celle de Saint-Germain-des-Prés, aux dames de Saint-Cyr, à !'Hôtel-Dieu.

La paroisse, supprimée en 180 l, fut rattachée à Fresnes. En 1709 on n'y comptait que 27 familles, 150 habitants en 1810, 184 en 1830, 264 en 1896, 550 en 1946, 690 en 1954.

Une promenade en car le long de la vallée de la Bièvre nous a fait découvrir une campagne que les cités tentaculaires n'encombrent pas encore. Et c'est presque au croisement de deux routes nationales et d'une route départementale que l'on a choisi l'emplacement du Marché d'intérêt national. Un service de publicité et de propagande fournit tous les moyens de visiter sur place toutes les installations édifiées à Rungis, et tous docuinents utiles. Notre monographie comprend donc trois chapi-tres supplémentaires :

7° Rungis et son histoire.

8° Le marché de Rungis, avant l'ouverture.

9° Le marché de Rungis en activité (comme pour la visite des Halles, le départ doit être donné de très bon matin) (l).

(1) Le 12 juin 1969 ces travaux exposés et commentés, au cours d'une séance d'information pédagogique. Les classes de 3' et de 4" ayant été divisées en équipes de travail, chacune avait la responsabilité d'un panneau affiché qui fut présenté par un représentant de l'équipe. On aboutissait ainsi. à un compte rendu synthétique, dans lequel nécessairement « l'objectivité » devait l'emporter sur les impressions « subjectives ». Un grand garçon de 3° avait pris, au cours de toutes les visites et enquêtes, des photographies projetées en fin de séance, qu'il commenta avec sobriété et clarté. II n'est pas inutile de préciser que les enquêtes sur place impliquaient de libres entretiens entre les élèves et les gens» des Halles ou de Rungis.

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L'actualité a motivé ainsi la découverte de deux « sources d'intérêt » alimentant de multiples dérivations (2). Mais bien avant de fixer notre attention sur Rungis, une promenade dans la vallée de la Bièvre provoqua d'édifiantes recherches. On s'étonna de trouver à Paris une rue de la Bièvre. On s'aperçut que cette rivière qui coule dans une des jolies vallées de l'Ile-de-France n'entre à Paris que pour se dissimuler sous le sol et finir dans le grand égout collecteur de la rive gauche. Par un curieux synchronisme, c'est en 1910 qu'elle devint souterraine, l'année d'une des plus fortes crues de la Seine.

L'étymologie nous informe que Bièvre vient d'un mot latin signifiant castor - ce qui incita à une étude zoologique sur ce rongeur charmant et nuisible (en marge on pouvait expliquer le titre : les Castors d'une coopérative de construction).

Hors Paris la vallée fut chantée par Ronsard. Jean-Jacques Rousseau -herborisait sur ses bords. Et c'est là que débuta l'union de Victor Hugo et de Juliette Drouet qui dura jusqu'en 1882, à la mort de la tendre et fidèle vieille dame. C'est là en 1837 que le poète conçut son chef-d'œuvre : Tristesse d'Oympio.

Mais depuis longtemps, la Bièvre n'entrait dans Paris que pour y être asservie et souillée par des industries parisiennes. Rabelais conta avec quelque truculence l'origine du « ruisseau qui passe à Saint-Victor et dans lequel Gobelin teint l'écarlate ».

Contournant de ses deux bras la Butte-aux-Cailles, la Bièvre formait des mares et étangs qui gelaient en hiver et les glaçons, conservés dans trois puits couverts de terre, justifient le nom du quartier :la Glacière.

Rabelais cite Gobelin. Il est normal qu'en suivant la Bièvre, nous nous arrêtions sur la Manufacture nationale des Gobelins, à réputation mondiale.

Mais avant la Renaissance, les peaussiers, mégissiers, corroyeurs avaient transformé la jolie rivière en fossé putride. Et cependant, sur ses sinuosités capricieuses, des écrivains et des artistes du XIXe siècle laissaient errer leurs rêveries et se fixer leur inspiration.

(2) Bien entendu, nous n'avons fixé ici que le cadre des recherches et études qui aboutirent ensuite à des travaux spécialisés menés dans la Maison d'Enfants sous la direction du professeur de sciences, Mme Kervizic, et du professeur littéraire, Mme Lespine.

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Découverte de l'enfant sous l'uniforme scolaire

Ainsi, c'est en sortant de l'école que nous avons repéré des sources d'intérêt et motivé les disciplines d'éveil. Mais cette évasion, ces escapades, cette école buissonnière (pour reprendre le mot de Charles Vildrac) peuvent intervenir sans que l'on soit obligé à un déplacement physique.

Il suffit sous l'uniforme scolaire de retrouver l'enfant, le préadolescent, l'adolescent.

A chaque rentrée scolaire, dans chacune de mes classes, je distribuais un questionnaire portant sur l'état civil, le domicile, les parents, la famille, les ascendants - aussi sur la vocation, les faiblesses, les préférences, les livres lus, les films vus, les émissions entendues et vues, les aventures que l'on voudrait vivre, les voyages que l'on voudrait entreprendre.

J'ai constitué ainsi des dossiers où je retrouve aujourd'hui, pour chacun de mes anciens élèves, les réponses fournies en 6e, en 5e, en 4e et en 3e (lorsque j'ai pu suivre la scolarité pendant quatre ans. Pour la plupart, je dois me contenter des 5e, 4e et 3e. Pour quelques-uns, redoublants, je possède deux questionnaires remplis au début de la 3e).

J'en tirerai peut-être un jour quelques observations générales sur l'évolution de ces générations d'élèves, de 1948 à 1964. Déjà l'examen graphologique est suggestif l'un possède une graphie nettement formée qui ne varie guère de la 5e à la 3e. L'autre, au contraire, écrit comme un enfant en 6e, comme un adolescent en

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3e et le redoublant a subi la déformation de l'étudiant qui prend des notes hâtivement.

Les préférences en littérature, sports, cinéma… précisent une évolution parfois discordante et chaotique. Les vocations aussi. Tel élève avait fixé nettement son avenir en 5e - et en 3e avoue son incertitude. Tel autre, qui semblait n'avoir pas compris la question en 5e, avait délibérément choisi sa voie en 3e. Et que dire des réticences, des pudiques réserves, de l'inquiétude diffuse du redoublant ou simplement de celui qui, victime d'échecs antérieurs, était au-dessus de la moyenne d'âge de la classe ?

Les doctes défenseurs des vieilles traditions, de la sélection rigoureuse, des discriminations formulées définitivement lorsque l'enfant atteint l'âge d'entrée en 6e, seraient-ils troublés par cette documentation qu'aucun préalable n'a corrompue ? Ce n'est malheureusement pas certain.

Je voudrais énumérer ici les renseignements que l'on pouvait utiliser, les notations édifiantes et suggestives que je recueillais en dépouillant mes fiches. En les relisant aujourd'hui, je revois avec quelque émotion des visages d'autant plus inoubliables que j'ai pu déceler quelquefois les âmes qu'ils dissimulaient. Mais il faut me limiter.

On serait surpris des préférences formulées par ces enfants ou ces adolescents, dans le domaine artistique, dans le choix des romans ou des films préférés. On comprend facilement la complaisance avec laquelle ils citaient les exploits de leurs ascendants, pendant les guerres ou la Résistance. Mais certain se glorifiait d'un grand-père notoirement connu comme braconnier. Je passe sur des révé-lations, exprimées sèchement, à tragique résonance : père mort des suites de la guerre, oncle mort en déportation… et sur la douloureuse confidence de cet élève de 3e, né à Londres d'une mère anglaise et d'un père français qui, ayant cité ses succès scolaires antérieurs, ajoute simplement: « Malheureusement, j'ai perdu mon père l'année dernière ».

Faut-il ajouter que cette expérience impose la plus grande discrétion ? J'étais seul à lire les fiches, et c'est au cours d'un « tête-à-tête » que je demandais des compléments ou éclaircissements. Bien entendu j'obtenais des réponses beaucoup plus sincères et étoffées d'élèves qui me connaissaient, dont j'avais déjà rencontré le père ou la mère, parfois au domicile familial. Je n'ai jamais accepté de parler de l'un de mes élèves dans le brouhaha d'une sortie ou d'un début de journée, debout entre deux portes, impatient

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de me libérer. J'exigeais que le contact soit pris au cours d'un rendez-vous fixé d'un commun accord - et, afin de respecter les horaires de travail des parents, je ne ménageais pas mon temps. Il m'est arrivé de bavarder jusqu'à l'heure du repas du soir avec des parents, devant le dossier de leur fils. Et je ne craignais pas de me déranger, lorsque l'élève était malade, même hospitalisé.

Ce n'est pas pour me vanter que je rappelle ces habitudes qui ne me sont pas personnelles. C'est simplement pour édifier nos cadets sur l'importance du facteur humain. Les élèves et les parents doivent connaître directement l'homme descendu de la chaire magistrale.

Il me serait possible de ramasser d'autres notations dont on pourrait tirer des prolongements intéressants. Mais tous mes questionnaires furent proposés à des collégiens dont, en général, la scolarité fut normale, qui subissaient, au moment de ces prises de contact, les troubles de la préadolescence, puis de la puberté. Aucun d'entre eux n'aurait pris place dans une classe de transition.

Cependant je fus, pendant une certaine période, obligé à un effort particulier d'adaptation, même de normalisation. Je me suis trouvé en effet dans les premières années d'après-guerre dans une position analogue à celle d'un maître de classe de transition. Les séquelles de la guerre bouleversaient encore la scolarité qui n'était pas redevenue tout à fait normale. Nous avions subi des retards exorbitants. L'échelle des âges allait de 12 à 16 ans. Notre inspecteur avait pris l'initiative heureuse. de confier à deux professeurs seulement les disciplines d'enseignement général. J'étais chargé de toutes les disciplines littéraires. Ce qui m'a permis de me. livrer à quelques expériences déjà tentées dans des 6eB nouvelles et m'a obligé à une individualisation de l'enseignement poussée aussi loin que possible.

Les fiches individuelles d'identité me furent d'autant plus utiles que je leur donnais le caractère d'une véritable biographie, pour tenter de situer chacun de mes élèves dans le temps et l'espace. D'abord sur les ascendants, en remontant aussi loin que possible. L'origine du père et de la mère était assez bien connue… pas toujours. Celle des grands-parents plus difficile à établir. Mais après quelques conversations, toujours confidentielles, j'avais obtenu un assez riche répertoire de métiers dont quelques-uns avaient disparu d'une génération à l'autre. J'ai découvert un grand-père encore vivant qui avait été cocher de fiacre. Le petit-fils avait obtenu facilement des souvenirs illustrés, de vieilles photos que nous avons

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exposées, au milieu de beaucoup d'autres, sur notre panneau historique.

J'avais, pendant la guerre en 1940, revu des chevaux de trait. Et j'éprouvais quelque jouissance à évoquer, devant mes élèves, l'image du groupe sanitaire... hippomobile auquel j'étais affecté - et les performances que nous accomplissions, au cours de nos déplacements fréquents, pour hisser dans des wagons les fourgons, les chevaux… et parfois les conducteurs ayant conclu la « drôle de guerre » dans les caves de Champagne. Performances gratuites, car fort heureusement nous n'avons jamais utilisé notre équipement pour l'évacuation des blessés.

Avions-nous découvert une « source d'intérêt » ? « La plus noble conquête de l'homme ? » Que d'investigations historiques, gé-graphiques, scientifiques, en partant du « Hue Cocotte! » du « grand-père». Nous avons introduit l'invention de l'étrier, ignoré en Europe jusqu'au Xe siècle ; celle, capitale, du collier d'attelage ; l'importance de la cavalerie, sous l'Antiquité, lors de l'invasion de l'Egypte par les Hyksos ; et dans les Temps modernes lorsque Pizarre et Cortez terrorisèrent les Indiens d'Amérique, avec les premiers chevaux importés au Nouveau Monde. Mais nous avons aussi évoqué les vieux omnibus, comparé les pur-sang de Maisons-Laffitte aux lourds percherons de labour, repéré les boucheries hippophagiques. J'ai raconté que, marmot sachant à peine parler, mené par mon père à l'Hippodrome de la place Clichy (aujourd'hui le Gaumont-Palace), j'avais vu Buffalo Bill et que, depuis plus de cinquante ans, l'image en persistait dans ma mémoire. Nous avons même accompli, tout près de l'établissement, une sorte de pèlerinage sur le lieu exact où le grand Pierre Curie fut écrasé par une voiture à chevaux. Nous n'avons pas oublié l'appel à la littérature, à la poésie, même à la musique (j'ai fait entendre le disque sur la « Chevauchée des Walkyries») et à la légende: les chevaux mythologiques et fabuleux, par exemple la licorne. Et je passe sur les représentations picturales et sculpturales, des peintures romantiques aux statues équestres classiques.

Est-ce là, cependant, un centre d'intérêt utilisable aujourd'hui ? Non, car nous ne sommes pas encore sortis de la période de recherches, de tâtonnements. Le cheval… c'est un sujet trop limité, beau-coup plus archaïque en 1969 qu'en 1947. Et il nous faut un motif d'études « plus dynamique », se rapportant à de vastes efforts humains, où dans des temps révolus le cheval prit sa place, mais n'en fut pas le facteur constant, conditionnant définitivement le

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but à atteindre. L'homme a dressé le cheval pour tirer les chariots. les charrues et les carrosses, et ce fut peut-être, grâce au collier d'attelage, l'une des causes de la disparition de l'esclavage antique. Il l'a dressé aussi pour ses déplacements rapides. Ce qui a permis les « chevauchées » des « missi dominici » de Charlemagne et des commissaires départis du roi dans les provinces. Et l'on sait que la Constituante a fixé le chef-lieu de chaque département au point d'où l'on pouvait atteindre toutes les communes du département en une chevauchée de vingt-quatre heures au maximum. Mais le but, c'est de porter, de tirer, d'établir des relations.Nous ne pouvons nous limiter à un moyen, aujourd'hui presque abandonné. Nous avions porté simplement la « noble conquête de l'homme » sur le tableau de nos intérêts provisoires.

Nous n'épuisions pas trop rapidement tout ce que nos fiches pouvaient nous apporter. Sur la maison que l'on habite, ce que l'on peut en connaître, d'abord la date de sa construction. L'ameublement : ce que les parents ont reçu par héritage, ce qu'ils ont acquis depuis leur mariage. Dans un logement, la mère d'origine bretonne avait transformé en bibliothèque le devant du lit clos, dans lequel avaient dormi ses aïeux.

J'ai pu le photographier. Et nous nous sommes passionnés pour l'histoire de l'ameublement. Une visite au Musée de Cluny nous a permis de suivre l'évolution du huchier au bahut, au buffet, à la crédence, à l'armoire - de la table à tréteaux à la table de la Renaissance à pieds lourdement sculptés, à la table moderne à lignes rectilignes à angles droits, à la table pliante du camping. Avec parallèlement l'évolution des métiers du charpentier au menuisier, à l'ébéniste, au tourneur sur bois, au sculpteur sur bois. Et nous avons noté que la fabrication en série a brisé le quasi-monopole de notre vieux faubourg Saint-Antoine et fait disparaître l'art de ces compagnons qui, tel le Colas Breugnon de Romain Rolland, conféraient à chaque meuble une véritable originalité et tiraient de leur seule fantaisie la courbure des lignes et le dessin des ornements.

Cherchant des sujets à travers les fiches individuelles, nous respections au début la multiplicité des éléments particuliers. Certains de mes élèves habitaient encore là où ils étaient nés. Ils étaient assez nombreux dans ce vieux quartier de Paris. Quelques années plus tard, le fameux mouvement centrifuge de la population parisienne provoquait l'abandon pour les HLM de la périphérie, de vieux logis trop « historiques » pour être confortables et hygiéniques. Mais déjà, certains avaient changé plusieurs fois de résidence. Nous

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recevions d'ailleurs dans nos classes des Polonais, des Arabes, des Tchèques, des Italiens, des Grecs, des Vietnamiens, des Martiniquais. Certains ne connaissaient pas leur pays d'origine. Mais je les invitais à interroger leurs parents. D'autres avaient émigré, alors qu'ils étaient capables d'observations et de souvenirs. Et des familles avaient échoué à Paris, après de longues et douloureuses pérégrinations, en laissant quelques-uns de leurs membres aux étapes périlleuses. Images de pays lointains, visions d'histoire récente, drames et tragédies vécues, je retrouvais tout cela en feuilletant mes fiches individuelles, et avec quelques commentaires discrets, je fixais sur notre répertoire commun ces particularités exceptionnelles.

Cependant, il fallait clore cette période de recherche, généraliser peut-être, passer du concret à l'abstrait, en tirant de toutes ces vies individuelles des caractères communs.

Cela paraissait assez facile. Ils étaient tous des élèves et des pré-adolescents ou des adolescents.

Des élèves ? Pour nos enfants, c'est d'abord une obligation, rien de plus… le port d'un uniforme gênant. Quant aux étapes de la croissance, ils ne sont pas encore capables de les estimer, de les apprécier. Je préfère la généralisation plus directement saisissable. D'abord géographique : le quartier d'habitation. Puis historique : la date de naissance. C'est un événement historique, car pour chacun d'entre nous, c'est le commencement de sa propre histoire. Mais ici c'est surtout le synchronisme qui m'intéresse. Les élèves d'une classe de transition, que je visitais en septembre 1966, sont nés en 1952, en 1953, en 1954. J'ai pu les intéresser en rappelant les événements qui se sont produits au cours de ces années-là, qu'on aurait pu classer mois par mois. Des journaux, Le Monde particulièrement, publient à la fin de chaque année une rétrospective des événements politiques, économiques,. sportifs, littéraires, artistiques, scientifiques de l'année écoulée. On peut se procurer ces éphémérides. Un élève de cette classe est né le 29 août 1953. J'ai bénéficiéd'un petit succès en lui confiant que le jour de sa naissance je prolongeais malgré moi des vacances en Autriche, car une grève presque générale des chemins de fer et des PTT m'empêchait de regagner la France et de recevoir des nouvelles de chez moi. Je n'exagère pas. Cet enfant était flatté de savoir qu'il était né pendant une période extraordinaire. Et ses camarades l'enviaient presque. Après tout, Chateaubriand se rajeunissait bien d'un an pour proclamer qu'il était né la même année que Napoléon.

L'évolution du monde de 1952 à 1969, sans insister bien entendu

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sur les événements politiques, peut prouver aux enfants qu'entre leur naissance et leur adolescence la face des choses a déjà bien changé. Mais ce qui compte, c'est l'effort humain, tel que nos élèves aient le désir d'y participer. Peut-on utiliser plus systématiquement l'étude du milieu pour orienter nos disciplines d'éveil ?

Là encore, la collaboration des élèves favorise des investigations dans l'espace. Mon programme d'initiation à la vie civique en 5e comportant le département, j'avais demandé à mes élèves, pendant les vacances de Pâques, de procéder sur place à des recherches sur le département où ils se trouvaient, quelque chose d'analogue au « Geographic Survey » préconisé par John Dewey. J'ai recueilli des monographies assez riches sur certains départements français. A la rentrée des classes, après les grandes vacances, on peut obtenir des résultats encore plus édifiants.

Je me reproche cependant de ne pas avoir orienté par un questionnaire précis, les recherches de mes élèves. Dans un livre excellent de Delteil et Maréchal, paru en 1958 sous le titre : Comment enseigner la géographie locale et régionale, les auteurs relatent des expériences fructueuses et formulent les questions que l'on peut poser sur les faits naturels et surtout sur les faits humains

Sans doute pensent-ils surtout à des recherches dans le milieu propre de l'enfant. Là on peut observer sur place et discuter ensemble des résultats des observations. Au contraire, lorsqu'il s'agit de souvenirs même récents, le contrôle est plus difficile. Mais on peut ainsi exciter la curiosité et comparer ce que l'on a vu pendant les vacances avec ce qu'ont vu les camarades et ce que l'on voit chaque jour.

Nos auteurs distinguent les faits naturels des faits humains, jugent le milieu humain plus directement observable et immédiatement exploitable.

Ce qui permet d'ailleurs d'utiliser les grands thèmes decrolyens sur la satisfaction des besoins vitaux.

Par exemple le besoin de se nourrir et le besoin de se loger. Pour la satisfaction du premier, nous partirons de notre alimentation ordinaire, quotidienne et de sa provenance. D'abord la distinction fondamentale entre le produit indigène que l'on peut suivre de la production à la consommation, puis le produit exotique : les épices d'autrefois, les Kolonialwaren des Allemands…

Mais il importe de ne pas limiter nos disciplines d'éveil à des études purement géographiques.

De la production à la consommation on peut suivre l'effort

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humain. Ainsi un élève enquêtant sur une boulangerie (dans la banlieue d'une ville située au centre d'une terre riche en blé), découvre un pétrin électrique et un four à mazout, le travail de deux ouvriers de 3 heures du matin à 13 heures, le nombre quotidien de fournées, le poids des pains et des flûtes, petits pains et croissants, la consommation mensuelle de 80 quintaux de farine livrés en camion par deux fois...

D'une enquête sur le travail d'un pêcheur du Croisic, je tire des renseignements précis sur les dimensions du bateau (4 à 5 m de large, 12 à 15 m de long), la consommation de gas-oil par le moteur Diesel, l'aménagement du bateau, l'équipement pour la pêche : filets tournants, treuil, même antenne de T.S.F. pour les communications avec le port et les autres bateaux... Ce sont là des occasions d'études scientifiques. Aussi des motivations de problèmes à résoudre : la répartition du produit de la pêche entre « le bateau », le capitaine et chacun des hommes. Je lis qu'en 1958, une vingtaine de sardiniers ont pêché 1 800 tonnes de sardines de juin à octobre. Nous pouvons pénétrer ainsi dans le cycle d'une activité économique déjà complexe. Le tiers de la pêche va aux mareyeurs, les deux tiers aux usines de conserveries.

On peut aussi tenter quelques comparaisons de caractère social. La situation du pêcheur, celle du mareyeur, celle de l'ouvrière de conserverie. .

Ce serait une excellente leçon d'initiation sociale. Quels sont les jeunes Parisiens qui peuvent apprécier le travail d'un pêcheur breton et qui réalisent la modestie et la précarité de'ses gains ?

Notre civilisation est devenue de plus en plus complexe. Nous avons l'impression, dans nos villes surtout, d'être les jouets d'une agitation constante, cependant que notre tâche professionnelle se spécialise chaque jour plus rigoureusement. Nous sommes sollicités, attirés, par une infinité de besoins nouveaux, de désirs, de curiosités. Dans les pays industriels, la nourriture occupe une place de plus en plus réduite dans nos préoccupations. Harpagon pourrait se réjouir : personne ne vit pour manger, et on ne sent même plus le besoin de manger pour vivre, pas plus que la nécessité de respirer. Harpagon serait-il heureux de constater qu'en pourcentage, la dépense pour la nourriture n'a pas cessé de diminuer dans un budget familial ? Non, car si cette dépense a diminué en valeur relative, c'est que toutes les autres ont augmenté et presque toutes les autres lui paraîtraient superflues. De plus, en valeur absolue, la dépense pour la nourriture n'a pas cessé d'augmenter. Ce n'est

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pas une augmentation quantitative, en poids on mange moins qu'il y a cinquante ans, c'est une élévation qualitative.

C'est là une évolution d'une importance essentielle, dont on peut faire saisir le sens et la portée par nos jeunes élèves. Peut-on dire qu'on l'ait tenté ? On reste trop fidèle aux règles purement scolaires.

Non loin de leur école de village, les préadolescents verront peut-être une ferme dont les occupants consomment ce qu'ils produisent. Dans les classes urbaines, surtout dans les écoles de filles, pendant les leçons de sciences ou d'enseignement ménager, l'origine de notre alimentation est vaguement indiquée soit lors d'une leçon sur un animal ou un végétal, soit dans les leçons d'hygiène alimentaire. C'est toujours étroitement scolaire.

On me répondra que si l'on peut critiquer le plan, l'ordre, la structure des leçons, l'essentiel, c'est l'acquisition de connaissances pratiques. C'est à quoi tendent ces leçons d'enseignement ménager, d'hygiène alimentaire, d'application des données scientifiques. Pourquoi les critiquer ?

Je ne conteste pas les bonnes intentions de ceux qui croient lier ainsi l'école et la vie quotidienne. C'est très bien de faire connaître les produits de la ferme. D'ajouter à la leçon sur la betterave un paragraphe consacré au sucre que l'on en tire, de faire observer une pincée de sel posée sur une table scolaire, ou de conclure un exposé magistral sur le chlore, par la promotion verbale du sel de cuisine en chlorure de sodium, même d'apprendre à cuisiner un ragoût de mouton.

Seulement ce n'est pas de la classe, des pupitres scolaires, du tableau noir, du livre de sciences, même du laboratoire qu'il faut partir, c'est du réchaud et du buffet de cuisine, du Frigidaire et de la casserole, du plat posé sur la table de la salle à manger. De là nous dirigeons nos pas vers le marché ou les boutiques, puis vers les champs, les prés, les abattoirs, les raffineries, les distilleries, les fabriques de produits alimentaires, les usines de conserverie.

Aux élèves des écoles urbaines, le besoin de manger est satisfait par la « cuisine toute faite ». L'effort humain, pour l'enfant, semble réduit au minimum. On peut juger moralement plus édifiant d'observer la ferme où l'on consomme ce que l'on produit.

Mais cette morale imposerait logiquement un retour en arrière de plus d'un demi-siècle. Le paysan pense plus aujourd'hui à exporter son blé qu'à fabriquer son pain. Et lorsqu'il boit du café ou mange une orange, il ouvre sa maison aux produits exotiques.

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La composition d'un repas à la campagne scandaliserait les grand-mères des villageois d'aujourd'hui. Et il faudrait des mois pour énumérer et décrire toutes les activités humaines qui ont abouti aux produits utilisés par la cuisinière de nos villes.

Le besoin de manger n'est plus senti profondément, car on peut le satisfaire immédiatement, avec un effort minimum. Faut-il en conclure qu'il ne peut servir de centre d'intérêt pour nos disciplines d'éveil ?

Il semble en effet que la civilisation la plus avancée n'est pas caractérisée par le moyen de se nourrir, comme ce fut le cas dans les temps préhistoriques lorsqu'on est passé de l'époque de la cueillette, puis de la chasse et de la pêche, au nomadisme et à l'agriculture ? C'est autour de cette idée : nous mangeons à notre faim, qu'on peut éveiller l'attention des élèves sur les moyens de production, de fabrication, de circulation, de préparation de notre alimentation. De là on entreprend des découvertes dans l'espace, pour comparer notre aisance relative aux carences alimentaires et aux disettes et famines des pays sous-développés. Puis des découvertes dans le temps, quant à l'enrichissement progressif, qualitatif plus que quantitatif de notre alimentation. On mange aujourd'hui en France de moins en moins de pain, de plus en plus de légumes, de viandes. de laitages et de fruits. Une initiation en somme aux problèmes les plus redoutables de notre temps. que ce soit la transformation de l'agriculture par l'industrie, ou la nécessité urgente de nourrir ceux qui ont faim et surtout de leur donner les moyens de s'industrialiser pour bénéficier d'échanges fructueux avec les peuples économiquement avancés.

Avons-nous appliqué les disciplines d'éveil, en prenant comme centres d'intérêt la satisfaction des grands besoins humains ? Nous reviendrons sur cette méthode.

Mais il ne suffit pas d'avoir éclairé cette recherche préalable qui précède l'application plus rigoureuse de notre programme. Il nous faut encore illustrer, par des exemples précis, le passage de la période de tâtonnements à celle de l'action nettement orientée. Nous pourrons sans doute chercher d'autres éléments dans la satisfaction des autres grands besoins humains : celui de se loger par exemple. Nous pourrons aussi utiliser d'autres moyens de prospection, ceux par exemple fournis par les techniques modernes: le cinéma, la radio, la télévision, sans oublier la causerie de vulgarisation et la documentation sur place.

Et pour tirer d'une formulation de l'intérêt toute la valeur pra-

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tique, des sujets, si larges soient-ils, ne nous conviendront que s'ils provoquent l'attention, la curiosité de nos élèves. Qu'il y ait le maximum de spontanéité dans les recherches, l'éveil des tendances, c'est ce que nous avons voulu. Lorsque le choix est fixé, les démarches de la classe, de toutes les équipes, de tous les élèves se dirigeront exclusivement vers l'œuvre à accomplir et le but à atteindre (1)

(1) Cette concentration après la dispersion dans la recherche exploratrice conditionne sans doute l'efficacité. On ne peut exclure évidemment la possibilité d'escapades, d'accidents, d'interruptions dans le développement du plan fixé. Mais il nous paraît édifiant d'insister sur la nécessité d'accomplir ce que l'on a projeté. Il n'est pas de discipline plus salutaire. Le thème d'intérêt choisi n'est d'ailleurs jamais épuisé en fin d'année. Il est bon que des questions restent posées.

Nous avons proposé quelques observations et études sur celui du « besoin de se nourrir ». On trouvera, page 77, en complément, un essai de construction plus systématique autour de ce centre d'intérêt.

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Caravelle (lino)