Sommaire

ROGER HAGNAUER

A propos des activités d'éveil

Le choix du centre d'intérêt

Au nom de toute son équipe, Yvonne Hagnauer, directrice de la Maison d'enfants, expliquait ainsi la naissance du centre d'intérêt :

Pour qu'il réponde aux besoins de connaissance et de culture des enfants, il ne saurait être déterminé à l'avance. Dans les classes, les maîtresses procèdent à des sondages, recueillent des opinions. Les adultes eux-mêmes s'interrogent… l'actualité imprime sa marque... Dans quel sens vont les efforts des hommes ? Quels sont les problèmes les plus angoissants... quels sont les remèdes à envisager ? Mais les adultes. ont-ils le droit d'imposer aux jeunes des préoccupations d'adultes, de les angoisser, de détruire en eux la confiance en la vie, source de quiétude et d'équilibre ? Autant de problèmes qu'il faut se poser avant d'entrer dans « la grande aventure », exploitation d'un thème qui n'a rien de codifié au départ, et qui nous entraîne parfois bien loin des buts proposés tant les découvertes sont inattendues, les concours apportés enrichissants par leur originalité, par leur ampleur.

Très souvent un thème surgit du précédent, le complète, l'enrichit. Mais la période de découverte, de gestation dure parfois pendant les deux premiers mois de l'année scolaire, sans qu'on puisse se déterminer à orienter dans un seul sens les recherches, et puis c'est un incident, un travail libre, un compte rendu de film qui déterminent le départ, sans qu'on puisse, pour cela, fixer les directions principales vers lesquelles on se dirigera.

C'est ainsi qu'est né au début de l'année 1965, dans toutes les

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classes primaires, du C.E.G. au C.E.T., aux classes de transition et terminale, le Centre d'intérêt sur la peine des hommes .

Quelles furent les raisons de ce choix ?

On avait établi la liste des films destinés à enrichir les « leçons ».

En 1965, on projeta deux films sur l'Amérique du Sud : Kantatiskiwa (le jour se lève) - du programme andin de l'O.N.U. d'aide aux paysans péruviens - puis Valparaiso… avec ses deux villes: celle de la colline et celle de la mer reliées l'une à l'autre par un escalier de cent vingt et une marches qu'on descendra de la cité du haut - celle de la misère et de la pauvreté - pour aller chercher un gobelet d'eau dans la ville du bas : riche et commerçante.

Des conférenciers amis de la Maison - et collaborateurs bénévoles - promenèrent les enfants du pays des Pygmées au Sahara puis en Egypte.

Sous les yeux des enfants on finissait la même année la Nationale 10 qui « bouleversait jusqu'au cœur la vieille ville de Sèvres ».

Impressionnés par l'évocation des pistes d'Afrique et par l'observation d'un gigantesque effort d'urbanisme et de voirie, les élèves de 6e et de la classe terminale primaire choisirent comme thème: la peine des hommes sur pistes et routes.

L'Amérique était au programme géographique de la 5e. Le film péruvien fixa l'attention des enfants sur l'Amérique latine qu'ils allèrent étudier au Musée de l'Homme, où ils se passionnèrent pour la civilisation aztèque, aux métiers variés : carriers, orfèvres, joailliers, lapidaires, plumassiers - et, dans l'atelier de céramique, ils utilisèrent les croquis pris sur place pour modeler et cuire des vases d'étranges formes.

Les élèves de 4e et de 3e, troublés par les visions des cent vingt et une marches du calvaire des misérables de Valparaiso, mendiant l'eau aux riches de la base, ranimèrent le souvenir d'un jeu drama-tique présenté à la fin de la précédente année scolaire, inspiré par d'admirables pages de Saint-Exupéry qui aboutissent à l'exaltation de l'Arabe offrant de l'eau à l'aviateur et à son compagnon :

Tu m'apparais baigné de noblesse et de bienveillance, grand seigneur qui as le pouvoir de donner à boire… Tous mes amis, tous mes ennemis en toi marchent vers moi… Je n'ai plus un seul ennemi au monde !

Le thème choisi s'imposait alors : la peine de l'homme à la recherche de l'eau.

Autour du centre d'intérêt choisi

Mais bientôt, tout naturellement, le thème s'élargit. L'intérêt évolua. La correspondance interscolaire (1), instituée dans plusieurs classes de la Maison, avait mis ces adolescents en relations avec une école de Rotterdam.

Ce n'est plus la tragédie de la soif, là où un rigoureux destin accable les hommes, que l'on dégageait du courrier de nos jeunes amis hollandais. C'est la lutte dramatique contre l'eau, qu'il faut vaincre, qui ne sera jamais définitivement vaincue. Le thème initial prit une autre orientation. Et ce processus se traduisit par la progression de l'eau nécessaire à la vie, à l'eau nocive, puis à l'eau source d'énergie, enfin à l'eau redoutable et salutaire, à laquelle il faut constamment arracher la terre, dans une lutte séculaire dont sont nés un petit Etat et un grand peuple. Et les activités de toute une année aboutirent à un voyage en Hollande organisé avec le concours de l'école « affiliée » de Rotterdam.

Saint-Exupéry sortait de ses épreuves tragiques, par cette enthousiaste adjuration : « Eau, tu n'es pas nécessaire à la vie, tu es la vie même. »

Dans une première étape, après avoir entendu trois amis : le

(1) Cette correspondance interscolaire a provoqué - au moins avec les écoles situées en France - des rapports directs entre les enfants des écoles associées. De Laon, d'une ville de Gironde, les enfants sont venus rendre visite à leurs camarades de Sèvres. Ceux-ci leur ont rendu leur politesse. Cette nouvelle expérience s'est révélée singulièrement riche. Le climat affectif ainsi créé a favorisé des études et acquisitions et naturellement élargi... « l'humanité » des enfants de la Maison. Il y eut même contact entre les petits de la Maison et les petits handicapés de Garches.

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voyageur Louis Chabot parler de son retour en Egypte - Michel Laxenaire (qui fut animateur des « Volontaires du Progrès »), parler d'une randonnée en 2 CV à travers le Sahara - M. Le Touzey, maître des Eaux et Forêts, parler des pistes en forêt du Cameroun et de la découverte du pays des Pygmées - on revint vers nos eaux familières.

Au cours d'une seconde étape, on se dirigea vers les bassins filtrants de Saint-Maur, on prit sur place des croquis de toutes les fontaines historiques parisiennes. On étudia les travaux d'adduction d'eau en Seine-et-Oise - et l'on approfondit quelque peu le problème de l'irrigation dans les pays sous-développés.

La troisième étape fut consacrée à l'eau : agent de contamination. On enquêta auprès de médecins. On se préoccupa de la collecte des eaux usées : les égouts de Paris, les champs d'épandage d'Achères. On visita une station d'épuration.

La quatrième étape chercha l'eau : source d'énergie - l'eau: moyen de communication. Et naturellement on s'intéressa aux ressources des rivières, des fleuves, des lacs, surtout de la mer.

A toutes ces découvertes et activités participèrent les autres classes de la Maison. Mais les grands (ai-je dit que la Maison est mixte, que filles et garçons cohabitent du Jardin d'enfants à la 3e, avec la seule exception des classes techniques réservées à l'apprentissage de métiers féminins) bénéficièrent d'un privilège, celui d'un voyage en Hollande qui dura une semaine… avec escale dans une Auberge de Jeunesse bruxelloise. Ce n'est pas cependant un monopole. Des expéditions de plusieurs jours ont été accomplies par la 6e, la classe primaire terminale, la 5e et les classes techniques. Il est difficile d'imposer de telles fatigues aux enfants de la maternelle et des classes é!émentaires. Le car de la Maison les transporte souvent dans Paris, la banlieue et la grande banlieue, pour des classes-promenades d'une journée entière.

A titre documentaire, je voudrais citer un extrait du bulletin de la Société des Amis de décembre 1965. Spontanément, des garçons de 3e (qui, notons-le sans insister, furent, quelques jours après le retour de Hollande, reçus au B.E.P.C. avec des totaux assez élevés) entreprirent de réaliser une maquette de 2,50 m sur 2,20 m reproduisant, avec une exactitude minutieuse, la grande digue du Zuiderzée.

Voici comment l'un d'eux, Daniel, expliqua leur réalisation :

D'où l'idée de réaliser une maquette nous est-elle venue ? Eh bien,

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c'est pendant la visite du Musée de la Mer, à Enhuizen, que nous en eûmes l'idée. Il y a là une maquette de la Hollande, elle n'a rien de commun avec la nôtre. Principalement dans ses dimensions qui sont celles d'une grande pièce, et dans sa réalisation. C'est ainsi qu'on pouvait circuler sur les polders et le lac d'Yssel, les maisons étaient reproduites dans le détail, ainsi que les animaux et le relief.

Quant à la réalisation de notre maquette, elle fut simple dans son principe. En guise de support, nous utilisâmes une grande planche de contreplaqué. Nous découpâmes la forme des terres émergées dans une autre plaque de contreplaqué que nous surélevâmes au moyen de cales de bois. L'eau de la mer du Nord et l'eau du lac d'Yssel furent représentées par du lino de deux bleus différents. Les polders en construction et les polders terminés furent découpés dans du lino vert de teintes également différentes. Pour la répartition des tâches, ce fut simple, chacun aidait à tout….

La réalisation de cette maquette avait deux buts : le premier de nous faire mieux comprendre la géographie particulière de la Hollande. Le second était de rendre plus attrayante et plus intéressante la représentation de notre périple aux Pays-Bas.

Cette année-là : 1965, première année de ma retraite de professeur, je débutais dans mes fonctions de conseiller pédagogique, dans la circonscription à laquelle notre Maison était rattachée.

Je cumulais depuis longtemps les fonctions de père adoptif de tous nos enfants, et de collaborateur « bénévole » des enseignants et des éducatrices. Mais plus libre, cette année-là, c'est avec enthou-siasme que je suivis le développement du thème initial. Et surtout les vagabondages le long des eaux parisiennes flattaient mes propres manies.

Je n'avais pas grand-chose à apporter aux professeurs de 3e et 4e et à la directrice. Mais je m'instruisis et m'enrichis en suivant quelque fois le convoi, en regardant les dessins et les travaux, en écoutant nos enfants.

Dans un article paru dans le bulletin de juin 1965, j'ai résumé les découvertes des équipes sur : le berceau de Paris, le travail de la Seine et de la Marne (on sait que celle-ci rejoignait le fleuve, avant la préhistoire, fort loin du confluent actuel, probablement à l'ouest de Saint-Denis et que ses alluvions ont formé la plaine de Saint-Denis), les îles, ponts, affluents parisiens, la Bièvre, les pierres et eaux souterraines, l'eau qu'on peut boire.

Je citerai simplement ma conclusion, intitulée Du statisticien au

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poète, résumant les profits de ces promenades le long des eaux parisiennes :

Faut-il illustrer cette longue histoire par quelques précisions chiffrées ? A l'aube du XIXe siècle, chaque Parisien ne disposait que d'un litre d'eau par jour, pour satisfaire tous ses besoins aquatiques.

Je trouve dans une chronique de 1862 une justification de la dérivation des eaux de la Dhuis. Les calculs prouvent les progrès accomplis en soixante ans :

Les besoins par habitant et par jour sont ainsi établis:

Besoins particuliers et industriels : 75 litres.

Arrosage des rues, incendies, imprévus : 75 litres.

Fontaines, eaux jaillissantes : 20 litres.

Au total. 170 litres.

Il y avait à cette époque, 1 700 000 habitants. Ce qui donne une évaluation approximative par jour de 128 000 m3 d'eaux potables + 162000 m3 d'eau des services publics, donc au total : 290 000 m3.

Or, la ville disposait de :

100 000 m3 par le canal de l'Ourcq ;

500 m3 par les sources de Belleville et du Pré-Saint-Gervais ;

1 600 m3 par l'aqueduc d'Arcueil ;

7 500 m3 par les puits artésiens de Grenelle et de Passy ;

43 400 m3 par prise d'eau de Seine par les pompes à feu

Au total : 153 000 m3.

Il fallait donc se procurer :

290 000 m3 - 153 000 m3 = 137 000 m3,

Les trois aqueducs de la Dhuis, de la Vanne et de la Somme-sonde, à leur achèvement quinze années plus tard fourniront au total 170 000 m3.

Que dirait aujourd'hui notre chroniqueur ? La population parisienne a presque doublé. Et le volume d'eau mis en moyenne chaque jour à la disposition de chaque habitant atteint 453 litres.

Il en est de l'approvisionnement comme du logement et de la circulation. C'est un problème dont la solution intervient toujours lorsque les données en ont été fortement majorées.

Presque toutes ces notions sont devenues familières aux enfants de notre maison.

Des plus petits aux plus grands, ils ont suivi la Seine… et, au cours de promenades exceptionnelles, ils ont suivi sa vallée jusqu'à

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la mer. Ils ont retrouvé l'ombre de Victor Hugo dans l'adorable vallée de la Bièvre. Mais ils ont aussi suivi à Paris le tracé de la vieille Bièvre rabelaisienne. Ils ont vu, pierre à pierre, se construire le nouveau pont de Sèvres. Les grandes équipes ont examiné ces fontaines historiques dont le style marque une période de notre histoire : Fontaine des Innocents, Fontaine Médicis, Fontaine des Quatre-Saisons, Fontaine de Mars. Des panneaux portent les reproductions picturales des motifs décoratifs des monuments. Naturellement on s'est attardé plus longtemps au square des 1nnocents et l'on a détaillé les admirables naïades de Jean Goujon. Fontaines monumentales comme la pompe de la Samaritaine qui symbolisent l'importance de l'eau, de celle qui coule, de celle qui marche comme de celle qui jaillit. Et institutrices, professeurs de sciences ont initié nos enfants aux problèmes chimiques de l'eau que l'on épure, aux problèmes physiques de l'eau que l'on capte, qui monte dans les tuyaux ou s'infiltre dans la terre.

Mais quelle magnifique leçon d'histoire que ce vagabondage le long des rives de notre Seine ! Et lorsque les historiens se taisent, ce sont les poètes et « leur sorcellerie évocatoire » qui peuplent nos rêveries, le long des quais et des berges, « d'images surannées des défuntes années ».

Un voyage édifiant

On s'étonnera sans doute de nos références à des voyages d'études. Les élèves de 4e et de 3e ont accompli, ces dernières années, des déplacements d'une semaine au Luxembourg, en Alsace, en Hollande - le dernier en Bretagne. Les autres classes de préadolescents et adolescents ont été portées au Havre, à Beauvais, au Mont-Saint-Michel, à Rouen, à Fécamp, à Laon, à Lille… dernièrement à Lyon, sans parler d'explorations dans le bassin parisien.

Ces initiatives peuvent-elles s'inclure dans « le domaine du possible » ? Il est vrai qu'elles paraissent utopiques aux professeurs et instituteurs des établissements ordinaires. Cependant, dès que l'on échappe aux servitudes de la routine et du conformisme, on ne craint plus de chevaucher… « les chevaux d'or de l'impossible »

En près d'un demi-siècle, j'ai vu se réaliser ce que l'on n'aurait osé proposer à l'aube de ma carrière : promenades scolaires parisiennes; cinéma, radio et télévision scolaires, théâtre universitaire; activités dirigées ; classes de neige ou d'iode ; voyages éclair de Paris à Londres… Tous les ans, des municipalités organisent, à titre de récompenses pour les succès aux examens, des excursions jusqu'aux plages. de la Manche. Des lycéens, des normaliens bénéficient de stages prolongés en Allemagne, en Hollande, en Grande-Bretagne. Inutile de nous rappeler que vouloir, ce n'est pas pouvoir - mais pouvoir, c'est d'abord vouloir.

Dans le bulletin de la Société de mars 1969, Mme Marie-Jeanne Lespine, professeur au C.E.G., dans son compte rendu du voyage en Bretagne, illustre parfaitement notre propos sur le caractère

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« multidisciplinaire » de telles entreprises et prouve leur valeur éducative.

Du 6 au 10 mars, le programme parfaitement réalisé a comporté :

1° Visite à l'Ecole nationale supérieure d'agronomie de Rennes avec exposé sur la Bretagne agricole.

2° Visite de la Coopérative des maraîchers rennais.

3° Visite du château de Combourg.

4° Visite de l'usine marémotrice de Saint-Malo et visite de la vieille ville.

5° Passages avec observations à Dinan, Saint-Brieuc, Paimpol, Tréguier, Pleumeur, Morlaix, Roscoff (Centre de télécommunica-tion de Pleumeur - Institut national biologique de Roscoff).

6° Les églises et les calvaires de Guimiliau et Saint-Thégonnec.

7° Rencontre à Saint-Pol-de-Léon avec le président de la Société d'initiative et de coopération agricoles.

8° Visite du village de Roquetton et de la région du Méné-Loudéac.

En tout, 1230 km. Et en mai un voyage éclair de trois jours à Lorient permit de compléter le trésor d'acquisitions par des observations sur le port, la vente du poisson, les chalutiers, des usines de sous-produits, un chantier de constructions navales.

Ces voyages ne sont pas simples distractions. Ils exigent une longue et minutieuse préparation, une rigoureuse organisation et se prolongent en de multiples travaux se rapportant à toutes leurs étapes.

Dans toutes ces classes, on ne jouit pas de la liberté accordée - au moins formellement - aux classes de transition. On doit appliquer des programmes précis. Dans son compte rendu, Mme Lespine spécialise les résultats : en vocabulaire, expression écrite, littérature, géographie, histoire, sciences, mathématiques, instruction civique et morale.

Voici par exemple l'évocation de Chateaubriand, par une élève, lors du passage à Combourg :

…En gravissant les marches du perron, je me suis retournée un instant. L'immense parc baignait dans une brume légère. Si je n'avais pas été entourée de mes camarades, j'aurais entièrement partagé l'admiration que Chateaubriand a si souvent exprimée pour ce paysage simple et beau.

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J'imaginais également, comme l'auteur écrit, dans ses Mémoires, la famille rassemblée au bas des marches pendant les soirées chaudes de l'été, sa mère, sa sœur, lui-même enfant, et son père armé d'un fusil guettant les chouettes qui ne sortaient qu'à la tombée de la nuit...

Les résultats historiques et géographiques sont faciles à retrouver. Mais en sciences: étude des terrains, des productions, de leur conservation et de leurs transformations ; des maladies ; des vaccins ; contrôle sanitaire ; sélection animale et végétale.

En mathématiques : au barrage de la Rance (on a reproduit en maquette l'usine marémotrice à l'échelle d'un millième), application des notions de force et de pression. Calcul des courbes et des échelles pour la réalisation de la maquette.

Dans sa conclusion, Mme Lespine insiste surtout sur la rencontre avec les paysans du Méné. On appréciera la résonance humaine de cette « leçon » d'initiation sociale. On appréciera aussi peut-être, alors que l'on parle si facilement de « participation », la portée morale du voyage :

Mais la rencontre avec les paysans du Méné qui ne veulent pas laisser mourir leur terre, et avec M. Martin, animateur du Comité d'expansion régionale, a beaucoup marqué les enfants!

Voici quelques extraits de textes :

« J'ai été frappée de l'attitude de ce paysan à l'égard de son vieux père quand il nous a dit : nous garderons le feu de cheminée tant que mon père sera là. Il lui manquerait trop. » Ou encore : « Nous ne nous déchaussons pas pour entrer. Papa ne peut plus le faire et nous ne voulons pas le gêner. »

Ou encore :

« ... M. Martin ! Ce simple nom en une journée a su m'émouvoir, m'instruire et me surprendre. »

Je suis repartie de la Bretagne en ayant mon carnet de sorties rempli de notes de toutes les visites, mais celles du Méné étaient gravées dans mon esprit et je revois toujours le visage de M. Martin dont les traits exprimaient tout l'amour et tout l'espoir qu'il portait en lui.

« ... Je voyais le regard brillant de M. Martin pendant qu'il nous exposait ses projets : " La commune s'occupera du toit... nous boucherons les trous... ",

« Je désirais lui demander combien de temps dureraient les tra-

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vaux, mais je me retins car je compris que ce n'était pas le temps qui avait de l'importance... l'essentiel était de se mettre de tout son cœur au travail pour réussir... »

Il faudrait pouvoir consulter tous les travaux d'enfants, il faudrait surtout vivre une expérience comme celle de ce voyage pour comprendre combien elle est enrichissante sous tous les aspects.

Enfin, pour notre petit groupe, cette expérience d'une vie en communauté totale pendant une semaine, où nous avons partagé les mêmes repas rapides, à n'importe quelle heure, dans le car ou une auberge de jeunesse glaciale, où nous avons eu des difficultés à nous réchauffer, parfois même à nous laver, est une expérience unique. Ce rapprochement, dans des circonstances pas toujours drôles, qui entraînent des réactions diverses (on ne se contrôle pas 24 heures sur 24 heures pendant 8 jours), nous permet de mieux connaître nos enfants et parfois même de les découvrir. C'est indispensable pour mieux les comprendre. Et c'est là aussi un aspect important de notre rôle.

Caravelle (lino)