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Textes parus dans la Révolution Prolétarienne

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2° trimestre 1986

4° trimestre 1985

Décembre 1964

Janvier 1950

Préface à la brochure: "Présence du syndicalisme Libertaire" de Louis Mercier.

LES OBSÈQUES DE …

par Roger BOSSIÈRE

ROGER HAGNAUER

Les obsèques de notre camarade Roger Hagnauer ont eu lieu le 15 janvier dernier, au cimetière de Meudon. Les camarades Moreau, Bureau, Descarsin, Bossière, représentaient la R.P.

L'allocution que vous lirez ci-dessous fut prononcée par Roger Bossières. Elle avait été précédée d'une courte mais substantielle allocution par le camarade Luc Bentz, Secrétaire général de la Section du S.N.I.-Pegc. de Paris qui évoqua l'activité syndicale de Roger Hagnauer, fondateur de la revue de la section du S.N.I. de l'ex-département de la Seine: " L'Ecole du Grand Paris ".

Le camarade Chaput, militant associatif et syndicaliste, représentait les Anciens de la Maison d'Enfants de Sèvres. Deux anciennes élèves rappelèrent ce Hâvre de paix et d'amour que ce lieu fut pour elles. Elles dirent ce qu'elles doivent à Goéland (Yvonne Hagnauer) et à Pingouin (Roger Hagnauer) .

De nombreux syndicalistes étaient présents. Les bureaux nationaux de la F.E.N. (Delage) et du S.N.I.-Pegc. (Bentz) étaient représentés.

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Allocution du camarade Roger Bossière

Je veux vous parler de " La Révolution prolétarienne " qui compta énormément dans la vie de Roger Hagnauer.

Roger Hagnauer est né le 19 juillet 1901. Il a donc 13 ans à la déclaration de guerre, le 3 août 1914. Par les journaux, les queues devant les magasins, les récits des permissionnaires, la guerre et son horreur vont le marquer. Et c'est la Révolution d'Octobre, le 7 novembre 1917.

Octobre, c'est le pouvoir aux soviets : conseils d'ouvriers, de paysans et de soldats qui réalisent une démocratie directe, la terre aux paysans, l'usine aux ouvriers et surtout, la Paix.

Les hécatombes, les souffrances subies dans les tranchées font exprimer chez beaucoup de soldats cette idée : " PLUS JAMAIS CA! "

Une dynamique en faveur de la Révolution d'Octobre et de la Troisième Internationale, réunit des jeunes dont Roger Hagnauer et des aînés marqués à la fois par le syndicalisme de lutte de classe de la C.G.T. d'avant 1914 et par la haine de la guerre.

Parmi ces aînés : Monatte, Rosmer et bien d'autres.

A 18 ans, Roger Hagnauer adhère à la Fédération de l'Enseignement (ancienne Fédération des syndicats d'Instituteurs). A 19 ans, il est membre du Comité de la Troisième Internationale. Le 1er janvier 1920, il adhère au Parti Socialiste, il milite pour sa transformation en Parti Communiste.

Après son service militaire (du 1er novembre 1922 au 31 octobre 1924), il se joint à l'opposition communiste de Boris Souvarine, Monatte, Rosmer, Loriot, Magdeleine et Maurice Paz.

Cette opposition se dresse contre la bolchevisation du Parti Communiste. La " bolchevisation ", c'est en fait la caporalisation du parti. Les militants doivent : Obéir aux directives. Ils ne doivent pas critiquer.

Roger Hagnauer ayant écrit dans le " Bulletin communiste " de Souvarine et dans " La Révolution prolétarienne ", (l'un et l'autre faits par des exclus du P.C.) sera aussi exclu du P.C. le 7 janvier 1926.

Sa vie militante sera désormais liée à la vie de " La Révolution prolétarienne " et de la Ligue syndicaliste. Roger Hagnauer s'intègre au noyau primitif de la R.P. : Monatte, Rosmer, Chambelland, Louzon, Charbit.

Le 28 décembre 1925, Roger Hagnauer épouse Yvonne Even.

Dans " La Révolution prolétarienne ", en plus des articles des membres du noyau et de nombreux syndicalistes, seront publiés des articles de : Boris Souvarine, Léon Trotzky, Victor Serge. Cette liste de signatures prestigieuses n'est pas limitative.

" La Révolution prolétarienne " mène le combat:
- pour le retour à l'unité syndicale,
- pour l'indépendance des syndicats à l'égard des patrons, de l'Etat et des partis,
- pour l'internationalisme ouvrier,
- contre le fascisme,
- contre le colonialisme,
- contre le stalinisme.

En Russie, les oppositions : Trotzky, Zinoviev, Boukarine, vont être éliminées.

La dictature de Staline s'installait sans partage. Les informations qui filtraient détruisaient peu à peu les illusions que les membres du noyau avaient pu avoir sur le régime résultant de la Révolution d'Octobre.

Qu'est-ce que le stalinisme ?

Ce n'est pas seulement le culte de la personnalité comme l'ont dit les staliniens après 1956. C'est le climat de terreur morale qui pèse sur qui soulève un point de désaccord. C'est une terreur morale qui peut souvent devenir une terreur physique. rappelons :

- les procès de Moscou : c'est l'assassinat légal des vieux bolcheviks, ceux qui avaient fait la Révolution d'Octobre,
- en Espagne 1936, 37, 38 : répression et assassinat de nombreux militants de la CNT-FAI et du POUM,
- les procès dans les pays de l'Est (fin des années 40, début des années 50).

Les accusés avouent des crimes qu'ils n'ont pas commis (En France, avec près de 20 ans de retard, le film " l'Aveu " illustrera cette époque).

Il faudrait aussi évoquer le Pacte germano-russe. Les multiples tournants décidés à Moscou pour les différents P.C.

En 1956, trois ans après la mort de Staline, le rapport Khrouchtchev a confirmé ce que disait " La Révolution prolétarienne " depuis ses débuts et aussi quelques rares autres publications.

Malgré des phrases prononcées du bout des lèvres, le stalinisme n'est pas mort! il repose sur un régime économique basé sur la propriété de l'Etat où les travailleurs des villes et des campagnes sont exploités autant, sinon plus, que dans les pays capitalistes ..

Il n'y a, en Russie, ni démocratie (le pouvoir des soviets n'existe plus depuis longtemps), ni socialisme. Mais le stalinisme peut toujours renaître quel que soit le drapeau dont il s'affublerait. Son origine, c'est l'intolérance, la prétention à détenir la vérité scientifique. Le meilleur vaccin contre le stalinisme, c'est la tolérance. Les divergences, les désaccords ne doivent pas se régler par des balles dans la nuque.

" La Révolution prolétarienne " qui interrompit sa parution à la guerre de 1939, reprit son combat en 1947. Elle est maintenant réduite à un petit noyau qui publie un bulletin.

Il n'est pas possible de tout dire en quelques minutes. Disons encore qu'Yvonne et Roger Hagnauer sont signataires, en septembre 1939, du tract " Paix immédiate " de Louis Lecoin. Ils seront poursuivis et révoqués.

En 1941, Yvonne Hagnauer crée la " Maison d'enfants de Sèvres ". Des anciens vont en parler. Je veux seulement évoquer ici l'amour des enfants qu'avait Roger Hagnauer.

En 1948, Roger Hagnauer prend une part active à la création de la C.G.T.-Force Ouvrière. Quand cette centrale voulut interdire la double appartenance (F.O. et F.E.N.), sans rien renier de son orientation F.O., il choisit la F.E.N. Pour lui, ce qui était important, c'était l'organisation de masse réalisant l'unité ouvrière dans le secteur de l'éducation.

Je veux encore dire que Roger Hagnauer fut un éducateur remarquable. Sa vie professionnelle et son activité syndicale sont, en fait, intimement liées. Il a publié aux Editions ouvrières :

"Les joies et les fruits de la lecture",
"l'Expression écrite et orale",
"Des mots et des idées (défense et illustration de la langue française)",

des livres destinés à aider tous ceux, jeunes ou adultes qui désirent accéder à la culture écrite et qui en ont été écartés pour une raison ou pour une autre.

Dans le même ordre d'idées, je veux évoquer sa participation à l'Association philotechnique de Boulogne où il allait le lundi donner des cours sur les sujets les plus divers et en faisant toujours appel à la participation des auditeurs. Il donnait aussi des cours particuliers, souvent gratuits.

Roger Hagnauer aimait à se dire anarcho-syndicaliste. Il se réclamait de l'idéal libertaire. Cet idéal qui conteste l'autorité arbitraire et voit en chaque individu une personnalité qui a droit au respect et aux meilleures conditions de développement.

Je tiens à préciser que tout ce que je viens de dire correspond à ce que pensait Roger Hagnauer et que je partage.

Je veux ici saluer Jean Moreau, instituteur, représentant le noyau de " La Révolution prolétarienne ", venu apporter un dernier hommage à notre ami et camarade.

Roger Bossière, pour éviter tout malentendu, tient à préciser que si, comme il l'a dit, les idées évoquées, particulièrement dans la critique du stalinisme, lui étaient communes avec Roger Hagnauer, il ne partageait pas son orientation "Force Ouvrière".

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