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logo d'un goéland pour le retour à l'acueil

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Textes parus dans la Révolution Prolétarienne

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2° trimestre 1986

4° trimestre 1985

Décembre 1964

Janvier 1950

Préface à la brochure: "Présence du syndicalisme Libertaire" de Louis Mercier.

CEUX QUI S'EN VONT texte paru dans la Révolution prolétarienne

par Roger BOSSIÈRE et Jean MOREAU

YVONNE HAGNAUER

Yvonne HAGNAUER, la compagne de notre ami Roger HAGNAUER, vient de décéder Le 1er novembre 1985, à l'âge de 87 ans.

Elle était entrée dans l'enseignement vers 1918. Elle devint une militante syndicaliste active. Elle fut aussi une militante féministe et pacifiste. En septembre 1938, avec Jeanne ALEXANDRE et Magdelaine PAZ, elle fonda le groupe des femmes pacifiste En septembre 1939, elle signe le tract de Louis LECOIN " Paix Immédiate " ; Yvonne et Roger HAGNAUER seront de ceux qui ne renieront pas leur signature. ils seront donc révoqués l'un et l'autre.

En 1941, elle fonde la Maison d'enfants de Sèvres. Cette maison était à l'origine destinée à héberger des enfants de la région parisienne victimes des restrictions alimentaires. Elle fut rapidement un refuge pour des enfants dont les parents étaient proscrits ou déportés (souvent pour motifs raciaux) et pour des adultes victimes de la répression ou réfractaires au S.T.O.

La maison d'enfants de Sèvres continua sa vocation après la guerre en accueillant des enfants à problèmes. Ce qui ne manquait pas : conséquences de la guerre, des déportations, situation économique ou raisons simplement familiales. Elle sera transférée à Meudon-Bellevue.

Yvonne HAGNAUER en fait un centre d'éducation nouvelle et d'école active. Elle applique essentiellement les méthodes Decroly : centres d'intérêts, joie de connaître, observation. Elle se réclame aussi de Paul Robin, de Freinet dont elle utilise l'imprimerie à l'école, de Claparède, de Langevin, de Wallon.

Pendant trente ans, elle dirigea ce centre connu dans le monde entier.

En 1936, elle écrivait : " J'ai dit comment nous comprenions notre métier, éveil de l'esprit critique et libération des forces et des aspirations qui composent la personnalité de l'enfant ". C'est cet esprit qui l'anima jusqu'au bout.

Elle attachait aussi une grande importance à l'idéal coopératif. Elle participa activement au mouvement " La coopération à l'école ".

Saluons la mémoire de cette femme exceptionnelle.

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" Goéland " est le totem que s'était donné Yvonne Hagnauer compagne de notre camarade Roger Hagnauer et militant du " noyau ", fondateur de notre revue. La lettre ci-dessous adressée à Roger Hagnauer veut à la fois souligner combien nous partageons sa peine et comment l'oeuvre admirable de Goéland ne peut pas mourir.

J'ai connu Goéland pour la première fois en 1957. Jeune normalien d'Auteuil mon sujet d'enquête à l'issue de la formation professionnelle portait sur la Maison d'enfants de Sèvres qu'Yvonne Hagnauer, soutenue par Roger, avait créée.

Ebloui, je rencontrai une institutrice, au sens étymologique du terme qui, avec un exceptionnel réalisme et une merveilleuse générosité (esprit critique, culture et altruisme conjugués), " met debout les hommes ".

Elle confirmait ce que mon maître Marcel Théau, militant syndicaliste et ancien  secrétaire général du  Conseil départemental des Parents de la Seine, décédé en 1984,  m'avait appris : on ne peut rien  donner sans se donner,  se risquer.

Je découvrais la  pédagogie Decrolyenne, la Coopération scolaire puis.... la " Révolution Prolétarienne ".

Et des enfants qui, en dépit ou à cause de la science de leur malheur, accédaient à celle du   bonheur.

Ce " voyage " leur donnait une singulière dignité que je n'ai jamais rencontrée depuis dans une institution. Bref, ils apprenaient ce savoir si peu pratiqué qui consiste à aimer la vie.

Je dois à  Goéland une de mes plus hautes joies d'école.  Comme je revenais un  soir de la Maison  de Sèvres, tout empli de  ce que  j'avais appris, je m'arrêtai un instant pour entendre jouer  " vos " enfants. Il faisait froid et beau et je me dis avec un  intense bonheur que ce bourdonnement de gosses accompagnerait et justifierait ma vie.

Fils d'ouvrier, domicilié alors chez mes  parents, dans cette  rue des Rosiers, à Paris qui    avait  vu   " l'abomination  de  l'abomination " au  cours des années noires, je pensais aux enfants juifs que vous aviez sauvés de la barbarie.  Avec votre exemple et votre soutien, je me dis que j'étais comme délégué par  les miens pour aider  les petits d'hommes à ne pas  subir leur vie.

De ce sentiment que Goéland et toi m'avez communiqué ce soir-là, je ne me suis jamais départi.  Et je vous en  suis reconnaissant.

Mon cher Ami, je voudrai encore ajouter cela. La mort de Goéland évoque celle de mon  grand-père, ouvrier en  bâtiment,  cultivé, de conviction laïque, celui-ci était aussi un être de bonheur. Le jour où il partit régnait un magnifique soleil et, je songeai que d'une certaine façon, il était responsable de ce soleil. Ainsi pour Goéland : ce qui fut demeure. Goéland a réussi totalement à faire un peu  meilleur le monde où nous sommes. Elle a éveillé des consciences et forgé ainsi les nouveaux maillons de l'éternelle chaîne fraternelle, qui au fil des générations,  relie  l'espèce et lui donne un  sens.

Je partage ta peine et te prie de croire, mon cher Camarade et Ami, à l'expression  de ma fraternelle affection.

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Les camarades Bureau, Descarsin, Moreau représentaient la R.P. aux obsèques d'Yvonne Hagnauer, le 6 novembre dernier au cimetière de Meudon. Parmi la nombreuse assistance, nous avons reconnu les camarades Bossière, Delaunay,   Charbit, Lacapère (fils de notre ami militant du " noyau "). Deux allocutions  furent prononcées par une ancienne élève de la Maison de Sèvres et Madame Alary, Présidente de l'Office Central de la Coopération à l'Ecole. Parmi les nombreux messages reçus par Roger Hagnauer, citons ceux du mime Marceau, ancien élève de la Maison, de Madame Yvette Roudy et de Monsieur Chevènement.

Jean MOREAU

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